Alan Regardin : Ritual Tones
Après maintes déroutes, vous aviez enfin localisé ce petit bois perdu dans les campagnes limbourgeoises que Anne T. vous avait signalé. Vous vous y étiez arrêté un vendredi dans l’heure creuse de l’après-midi pour vous étendre au pied d’une famille de pins sylvestres. Le soleil de début juillet tombait à la verticale, transperçait la canopée, pénétrait entre les branches qu’une brise heureuse balançait avec un mouvement discontinu presque imperceptible. Couché sur l’herbe blonde, vous aviez apposé votre casque pour mieux saisir la musique. Les bourdons de « Tones » s’insinuaient dans vos oreilles. Vous tentiez d’apercevoir des morceaux de ciel entre les cimes des arbres. Un ciel belge, pareil au même de chaque côté de la frontière linguistique. Au fur et à mesure que progressait la pièce, vous tentiez de discerner la part de l’orgue, la part des cuivres. L’écoute s’avérait prégnante, absorbante, au point que vous aviez renoncé à vectoriser mentalement les images du haut des arbres qu’il y a peu, vous contempliez et que, par jeu, vous agenciez avec votre œil rechargeable. Sur le « Prelude », il vous avait semblé mieux distinguer les instruments. Ce n’était qu’impression fugace. « Ritual » reprenait à l’unisson, poussant l’intonation dans de somptueux recoins, engendrant une confusion auditive tout en s’imposant avec une implacable ductilité. Le soir, rentré chez vous, repu de cette flânerie bucolique, vous aviez cherché à savoir qui était cet Alan Regardin dont le patronyme évoquait un des plus beaux verbes de la langue française. Dorénavant, à la faveur du répit qu’offraient les vacances débutantes, vous vous étiez mis en quête de découvrir l’entièreté de son œuvre. Ce serait sous d’autres ciels.