Albert Vila : Reality Is Nuance
Après « Levity », un disque intimiste conçu pendant la période de confinement et enregistré en solo, le guitariste espagnol Albert Vila a choisi la formule du trio canonique pour « Reality Is Nuance », son septième album depuis « Foreground Music » (2006) qui paraît sur le label barcelonais Fresh Sound New Talent. Soutenu par une rythmique cinq étoiles comprenant le contrebassiste Doug Weiss et le batteur Rudy Royston, le leader peut développer toutes les nuances de sa musique en étant certain d’être constamment tiré vers le haut par la compréhension, l’agilité et l’activisme de ses deux complices. Dès le premier titre, « Hope », on retrouve cette guitare (probablement la même Westville « semi-hollow » que celle utilisée pour « Levity ») marquée par une pointe de réverbération qui élargit son spectre sonore. La mélodie raffinée du thème délicat interprété en solo par Albert ne laisse pas deviner la suite quand la rythmique entre en jeu, et encore moins l’improvisation intense en constante expansion qui vient après. On atteint la plénitude dans la seconde partie de la composition avant que la conclusion nous ramène rapidement au thème et à la gravité. D’autres titres du répertoire, comme « Northern Flower » ou « Ancient Kingdom », mettent en évidence l’intensité et la fluidité du jeu du guitariste dont les chorus sont magnifiques, mais un autre aspect du disque qui fascine tout autant est la qualité des mélodies qui toutes, sauf une basée sur le standard « I’ll Remember April », ont été écrites par le leader.
Le compact est emballé dans une superbe pochette décorée par un collage (« le Jockey ») de l’Équatorien Beto Val. Cette image surréaliste convient bien à la musique d’Albert Vila : ces deux artistes, l’un pictural et l’autre musical, produisent des œuvres suggestives et différentes à chaque fois, alors même qu’elles sont estampillées par le cachet immédiatement reconnaissable de leurs auteurs. N’est-ce pas là le privilège des grands créateurs ?