Alex Norris, Paul Bollenback, Paul Gill : Table for Three

Alex Norris, Paul Bollenback, Paul Gill : Table for Three

SteepleChase / Xango Music

S’il est peu connu en Europe, le trompettiste américain Alex Norris mène, en revanche, depuis le début des années 90, une carrière honorable aux Etats-Unis, ayant entre autres fait partie d’orchestres comme ceux de Maria Schneider et de Ron Carter ou du Mingus Big Band. Il est aussi l’auteur de quelques rares disques en petite formation sortis sous son nom et dont celui-ci est le cinquième (et le troisième à être édité dans la foulée par le label danois SteepleChase). Comme le titre l’indique, Alex Norris joue ici dans une configuration en trio avec le guitariste Paul Bollenback (célèbre pour avoir longtemps accompagné l’organiste Joey DeFrancesco) et le bassiste vétéran de la scène new-yorkaise Paul Gill. L’absence de batterie qui se fait tout de suite remarquer rend la musique distincte et permet de bien écouter l’entrelacement des trois instruments. Le jeu de trompette est léger, sinueux, jamais agressif tandis que Paul Bollenback assure un soutien harmonique très efficace (sur certains titres, semblable à celui qu’aurait délivré un organiste) en plus de s’octroyer quelques beaux solos comme sur « Tight Grip » et « Table for Three ».

Le leader est l’auteur de huit compositions (sur onze) qui ne manquent pas de qualités, mais les trois reprises sont particulièrement remarquables : « Strollin’ » d’Horace Silver est interprété en duo avec le contrebassiste qui séduit par sa belle improvisation. Le thème de la chanson britannique « A Nightingale Sang in Berkeley Square » de 1939 est magnifique, et chaque musicien (surtout Alex Norris qui utilise ici une sourdine) évoque par sa légèreté le chant de l’hirondelle. Quant à « The Lamp Is Low », un standard des années 30 adapté de « Pavane pour une infante défunte » de Ravel et popularisé par Tommy Dorsey, il reçoit un traitement superlatif avec des envolées passionnantes de la part des trois musiciens – dont un Paul Gill impérial à l’archet – et s’avère en définitive l’un des plus grands moments de l’album. Grâce à une belle cohésion de groupe, mais aussi à leurs talents personnels en matière d’improvisation, ces trois musiciens parviennent à redonner vie à un matériau chevillé dans la tradition du jazz.

Pierre Dulieu