Alex Sipiagin Quintet : Mel’s Vision
D’origine russe, Alex Sipiagin quitte son pays natal à 23 ans pour New York où il s’intègre à la communauté jazz, notamment dans des grands orchestres comme le « Gil Evans Band » et le « Mingus Big Band ». Quatre membres de ce dernier faisaient d’ailleurs partie du groupe fixe de Sipiagin « Opus 5 ». On ne compte plus depuis le nombre de participations du trompettiste à des formations emmenées par Dave Holland, George Gruntz, Michael Brecker et bien d’autres. « Mel’s Vision » est son treizième enregistrement pour le label Criss Cross Jazz. Il s’entoure ici de musiciens de premier plan, au point qu’en lisant les noms sur la pochette, le terme souvent abusé de « All Stars » ne serait pas exagéré. Chris Potter au sax-ténor, David Kikoski au piano, Matt Brewer à la contrebasse et Jonathan Blake aux drums. « Mel’s Vision » a été inspiré par le nom de son épouse Melissa suite à leur déménagement vers Singapour pendant la période de covid : « Ces dernières années, j’ai suivi son avis et sa vision… Je ne parle pas de musique, mais de la vie. » dit Sipiagin dans le texte du livret.
On a affaire ici à un album hard bop pure souche où les solistes jouent un rôle important. On a un peu l’impression d’une session live sans public tant l’intensité de la musique ne manque pas de temps forts : sur le titre éponyme, un des deux seuls originaux de l’album, Chris Potter propose d’entrée un solo d’enfer. L’intérêt de « Mel’s Vision » dépasse largement l’impressionnant line-up car on y découvre quelques thèmes peu connus de grandes signatures : « Four by Five », une composition de McCoy Tyner jouée en up-tempo laisse s’exprimer chaque soliste, « Bird Food » en double prise ne peut éviter de citer son auteur Ornette Coleman, « Peggy’s Blue Skylight » de Charlie Mingus est rendu dans une version très libre qui rend bien hommage à l’esprit du contrebassiste, et « Summer’s End » de Don Friedman. Au cœur de ces standards assez peu joués, Alex Sipiagin place une chanson du folklore ukrainien : « En enregistrant cette chanson, je savais qu’il me serait interdit de retourner en Russie prochainement. » Outre « Mel’s Vision » Sipiagin propose une deuxième composition de sa plume, la belle et mélancolique ballade « Balmoral Point ». Voici un album qui séduira les nostalgiques du hard bop, une musique qui sonne par moments « Jazz Messengers » et qui fait vachement du bien.