Amaury Faye Ensemble : Arise (suite)
Il est toujours intéressant d’écouter un vrai projet musical et de comprendre la vision originale d’un artiste à propos d’un thème spécifique. Celui abordé dans cet album par le pianiste toulousain Amaury Faye est dédié à la montagne et, à travers elle, à ses deux grands-pères alpinistes qui la lui ont fait découvrir. Le titre du disque, « Arise », traduit l’idée d’une ascension : scindée en trois volets, la suite débute dans les vertes vallées, suit dans un deuxième temps les sentiers escarpés à flanc de montagne et se termine en apothéose au sommet. Pour concrétiser sa perception, le trio du pianiste, qui inclut le contrebassiste Louis Navarro et le batteur Théo Lanau, s’est adjoint le saxophoniste Julian Lee, étoile montante de la scène new-yorkaise, ainsi que le quatuor à cordes de l’Orchestre de Chambre de Toulouse, soit quatre musiciens de jazz et quatre de musique classique pour une œuvre ambitieuse qui mêle les deux mondes.
Le voyage commence dans l’allégresse avec « A Stone Heart » qui ouvre la première section. La clarté de l’écriture est splendide tandis que chaque musicien, qu’il soit issu du jazz ou de la musique classique, apporte sa pierre à une construction des plus équilibrées. Les deux parties de « Under the Ground » évoquent à la fois une joie de vivre et une impassible extase dictée par la majesté d’un paysage qu’on imagine volontiers verdoyant. Les parties improvisées se nourrissent des parties écrites, formant un tout d’une rafraîchissante beauté. Avec la seconde section, qui comprend également trois morceaux, on entre dans l’action. Les lignes mélodiques sont plus énergiques et plus âpres aussi. Mais bientôt, au fur et à mesure qu’on s’élève, la nature vierge se dévoile dans sa mystérieuse splendeur tandis que la musique s’enivre du plaisir de la découverte. La randonnée se poursuit avec « Free Ride » qui démarre la troisième section avant que la sérénité ne s’installe avec les deux derniers titres, qui portent les noms de deux hauts-lieux magiques : « La Meije », une montagne du bassin de l’Oisans, et « La Sambuy » en Haute-Savoie, qui s’ouvre sur le lac d’Annecy, flaque bleue ceinte par des massifs scintillants. Cette fois, la musique élégiaque est gorgée d’un lyrisme expressif. Il y a définitivement quelque chose d’épique dans cette œuvre musicale, comme un souffle en écho aux somptueux paysages évoqués.