Amir Elsaffar Rivers of Sounds Orchestra : The Other Shore

Amir Elsaffar Rivers of Sounds Orchestra : The Other Shore

Outnote Records

Fils d’un immigrant irakien et d’une Américaine, Amir Elsaffar est né à Chicago. Il y étudie la trompette classique à l’université et se rend par la suite à Bagdad où il travaille le maqam et le santur, ce qui l’amène à une technique de microtonalités qui lui permet de créer une richesse harmonique et mélodique inédite à la trompette.

Il multiplie aussi les expériences aux côtés de Cecil Taylor, Vijay Iyer, Rudresh Mahantappa, Randy Brecker, entre autres. Avec le Two Rivers Ensemble, il sort trois albums personnels : « Two Rivers » en 2007, « Inana » en 2011 et « Crisis » en 2015. Le River of Sound Orchestra qu’il nous présente aujourd’hui semble bien être une émanation élargie de ce sextet, mais dans une configuration bien plus large puisqu’on y trouve pas moins de dix-sept musiciens. Voici un musicien bien dans l’esprit de l’époque qui tend au croisement des cultures, à l’ouverture sans manichéisme.

« Dhuha » ouvre l’album dans un esprit symphonique : quatre minutes quarante de sonorités chorales, avant l’entrée de la rythmique, le développement du chant et le solo de saxophone souvent couplé à la voix. L’ambiance est clairement orientale mêlant diverses percussions – dumbek, naqqarat, frame drums, mridangam et la batterie de Nasheet Waits – où s’infiltrent trompette, saxes ( dont l’alto de Fabrizio Cassol), hautbois, vibraphone. Il s’agit pour Amir Elsaffar d’un projet tentant d’organiser le son, « sans les notions hiérarchiques de la musique classique ouest-européenne ni le poids de la préséance des formes folkloriques non occidentales et traditionnelles. » En se fondant sur le maqam, mode que l’on trouve surtout dans les pays du Maghreb et de l’Asie Centrale, la musique s’éloigne d’une certaine rigidité occidentale et s’efforce de créer une évidence musicale inédite où l’interaction domine. Tout ceci peut paraître, à la lecture, assez intellectuel comme démarche, mais l’écoute agréable et « à portée d’oreille » efface chez l’auditeur toute recherche de « pourquoi » et de « comment » et offre de beaux moments de séduction sur une rythmique chaloupée et un entrelacs sonore foisonnant.

Jean-Pierre Goffin