Amos Hoffman : Minor Operation
Minor Operation est le sixième album du guitariste israélien Amos Hoffman et la première surprise est de découvrir sur la pochette, parmi ses deux accompagnateurs, le nom du légendaire batteur Lenny White, celui-là même qui joua sur le « Bitches Brew » de Miles Davis et participa à l’aventure de Return to Forever. Pour autant, « Minor Operation » n’est pas un disque de fusion, mais plutôt un recueil époustouflant de pièces de jazz moderne interprétées par un trio plein de ressources. Le choix du contrebassiste Santi Debriano, qui a joué entre autres avec Archie Shepp, Larry Coryell, Don Pullen, Chico Freeman et David Murray, est également très heureux : son style assez discursif (écoutez-le en particulier sur « Aunt Sharon ») associé à un drive implacable maintient un intérêt qui ne faiblit jamais. D’ailleurs, l’alchimie qui s’est installée au sein de ce trio est tout simplement exceptionnelle. Pour cet enregistrement, le leader a composé six morceaux qui, du bluesy « Minor Operation » au post-bop de « T.L.I.S.C. », vont dans diverses directions, surtout que sur trois d’entre elles, Amos Hoffman échange (ou complète) sa six-cordes par un oud, combinant même avec bonheur sur un morceau unique (« A Day in Mardin ») l’agilité bop d’un Kenny Burrell avec les arabesques orientales d’un Mohammed Abdel Wahab. Joué sur un luth arabe, « Hidden Garden » bénéficie de la frappe dynamique d’un Lenny White si inventif qu’il parvient à infléchir la trajectoire de la musique vers une autre dimension plus spirituelle.
Edité par le label Jojo Records de Jérusalem, qui nous avait donné au début de cette année le « Standards » de Yotam Silberstein, « Minor Operation » est clairement le produit d’un musicien appartenant à deux mondes : celui du jazz américain auquel Amos Hoffman s’est frotté à New York et celui des harmonies moyen-orientales qui ont flatté ses oreilles pendant ses séjours en Israël. Cela fait de lui une voix incontestablement originale au sein des guitaristes de jazz. Quant à nous, c’est avec bonheur que les chakras bien ouverts, on le suit d’un monde à l’autre, enjambant avec allégresse les frontières artificielles que les hommes se plaisent à ériger pour délimiter leur géographie et leur culture.