
Anouar Brahem : After the Last Sky
Je dois bien l’avouer, mon rapport à la musique d’Anouar Brahem manque d’objectivité, tant celle-ci a été la complice de moments émotionnellement forts de ma vie. Qu’importe… Tout en préservant les modes de la musique arabe dans ses compositions, Anouar Brahem a su ouvrir son univers à d’autres influences, comme l’improvisation jazz ou encore la musique de chambre européenne, multipliant de la sorte les teintes qui font partie de son nuancier musical. Si je devais en préférer une, je choisirais sans doute celle – déjà sans percussions – qui couvrait « Le pas du chat noir » : son oud, un piano (François Couturier) et l’accordéon de Jean-Louis Matinier. Oui, la plus connue… Ici, huit ans après « Blue Maqams », il reconduit (presque) l’équipe qu’il avait alignée à l’époque. A une différence (de taille) près : le violoncelle de Anja Lechner remplaçant la… batterie de Jack DeJohnette ; le quartet se complétant donc avec le contrebassiste Dave Holland et le pianiste Django Bates. Empruntant son titre à un vers du poète palestinien Mahmoud Darwish, l’oudiste nous interroge avec gravité : « Où les oiseaux sont-ils amenés à voler après le dernier ciel » ? En composant les magnifiques pièces de cet album, Anouar Brahem a souhaité réagir avec émotion au drame qui frappe le peuple de Gaza et de la Palestine. Tout comme il avait réagi, avec « Souvenance » au Printemps arabe qui prenait naissance chez lui, en Tunisie. Plus poignante que jamais, dans sa formule inédite, cette nouvelle œuvre de Brahem ne répond pas à la question du poète, mais elle nous invite plus que jamais à nous rencontrer et à tenter de nous comprendre en ces temps troublés…
Anouar Brahem à Bozar, Bruxelles, le 30 avril.