Anthony Joseph : Rowing up River to Get Our Names Back

Anthony Joseph : Rowing up River to Get Our Names Back

Heavenly Sweetness

D’emblée, précisons que beaucoup d’amateurs refuseront d’admettre que ceci constitue bien une œuvre de jazz. Soit, n’entrons pas dans un débat stérile et avançons d’un pas assuré sur la voie qui mène à Anthony Joseph. Comme beaucoup d’autres artistes anglais avant et après lui, il naît hors du Royaume-Uni où il vit à présent depuis près de quarante ans. Port of Spain, Trinité-et-Tobago, dans l’espace caribéen. Anthony Joseph n’est pas tout à fait un musicien. Son truc à lui, ce sont les mots qu’il couche sur le papier, sous la forme de constats et de revendications. Il est en effet l’auteur de recueils de poésie et de quelques romans qui lui ont valu d’obtenir quelques prix de littérature. Ni musicien, ni chanteur. C’est le « spoken word » qu’il pratique. Ses mots, il les puise en partie dans la lutte, celle qui nous ramène au passé africain… Et en corollaire à l’avenir du peuple noir, « l’afro-futurisme ». Après avoir enregistré quelques albums en compagnie du Spasm Band, Anthony Joseph se lance dans une carrière en solo qui démarre il y a douze ans avec « Time », une œuvre produite par une autre activiste assumée, Meshell Ndegeocello. « Rowing up River to Get Our Names Back » (un titre qui résume bien son action) est – semble-t-il – son septième album enregistré en son propre nom. Cette fois, c’est au producteur / musicien Dave « Jairus Ochieng » Okumu que Anthony Joseph a confié la mise en sons de ses mots. Il sera beaucoup question de programmations, mais aussi d’une véritable batterie (Dan See, vu dernièrement derrière les fûts pour le compte du duo Vega Trails), de cuivres, de guitares et même de chant (la Londonienne ESKA sur le titre inaugural). En tout sept « chansons », dont quatre dépassent allégrement les huit minutes d’écoute. Au menu musicalement, une fusion savante entre dance (« Tony »), dub (« Churches of Sound »), hip hop (superbe « An AfroFuturist Poem », « Milwaukee & Ashland ») et jazz (entre les coups). Ouvrez donc la voie à votre esprit, soyez curieux !

Yves Tassin