Aruan Ortiz : Creole Renaissance
Près de dix ans que le pianiste d’origine cubaine Aruan Ortiz n’avait pas sorti d’album solo. Musicien très attaché à la littérature noire et à son histoire, il s’inspire ici notamment d’auteurs tels que Léopold Sédar Senghor et Aimé Césaire, le premier titre de l’album faisant référence aux deux auteurs avec « L’Etudiant noir »: pas de mélodie, mais un jeu décalé, frappé, abstrait et porté par des passages fougueux et d’autres apaisés. Duke Ellington fait aussi partie du matériel du pianiste avec « Seven Aprils in Paris » basé sur « A Sophisticated Lady ». « From the Distance of my Freedom », plus qu’un thème musical résonne comme une profession de foi en la culture noire avec les paroles d’Ortiz. Sur les deux miniatures, chacune de moins de trois minutes, le pianiste s’emploie sur des suites abruptes de notes, formant par moment un déluge sonore faisant place à des silences ou des soupçons de quiétude. Pièce majeure et la plus impressionnante du répertoire, « We Belong to Those Who Say No to Darkness » est inspiré par un texte d’Aimé Césaire dans la préface de « Tropiques » : Ortiz y frappe des cordes étouffées, fait résonner les cordes du piano, les frappant, les pinçant et les caressant. L’épilogue de l’album pourrait laisser penser qu’Ortiz en revient à une plus sage mélodie avec une composition de Compay Segundo du Buena Vista Social Club : c’est bien mal connaître l’artiste qui déstructure complètement la mélodie qu’on a du mal à retrouver. Un album dont l’écoute est à la fois intrigante et passionnante de bout en bout.
