Azmari, Dans le courant
Après un « Samaï » dédié au sable des déserts, le quintet bruxellois nous revient avec un album aquatique : « Maelström ». Discussion au Botanique, en fin de tournée.
«Nous sommes un groupe de Bruxelles dans le sens où notre musique subit plein d’influences.» (Arthur Ancion)
Peut-être cela m’a-t-il échappé ? Je n’ai pas lu des informations précises à ce sujet dans votre dossier de presse : jouez-vous dans d’autres groupes, comme semblent le faire pas mal de musiciens bruxellois ? Ou bien vous concentrez-vous uniquement sur le projet Azmari ?
Basile Bourtembourg (claviers) : Trois d’entre nous font également partie du groupe M. Chuzi (un album l’année dernière chez Sdban – NDLR). Quant à Ambroos De Schepper, notre saxophoniste, il joue dans pas mal d’autres formations : Bandler Ching, Kosmo Sound, Whoman, … et d’autres encore dont nous ignorons sans doute l’existence (rires).
Arthur Ancion (batterie) : Il ne s’arrête jamais ! Si bien que nous avons aussi prévu une configuration à quatre en répétition, au cas où il devrait être absent à un concert.
Au fait, vous considérez-vous comme un groupe bruxellois ?
Matteo Badet (saxophone) : Nous sommes un groupe bruxellois, avec cette identité propre à pas mal de groupes bruxellois. On joue de la musique qui provient de partout. La mondialisation au niveau musical…
A.A. : En effet, nous sommes un groupe de Bruxelles dans le sens où notre musique subit plein d’influences internationales. Bruxelles est une ville hautement cosmopolite.
M.B. : Bien souvent, on dit de nous que nous jouons de l’éthiojazz. Moi je trouve que c’est de moins en moins le cas. Nous avons rencontré des groupes français qui s’enfermaient dans ce style, sans se donner la possibilité de s’ouvrir à d’autres musiques. Ce n’est pas notre cas.
Il y a eu un effet de mode « Ethiojazz », surtout en France avec le succès de la série « Ethiopiques ».
M.B. : Oui, en effet. Mais nous, on essaye de diversifier un peu plus.
Toujours avec le groove qui doit être bien présent… Le dub, la musique klezmer…
A.A. : Oui, le groove, c’est primordial.
Et le dub, ça vient d’où ?
A.A. : Ce sont des disques que nous écoutons. On aime faire danser notre public. J’écoute pas mal de reggae…
Quel type de reggae ?
A.A. : Le roots bien sûr ! Le reggae des années septante. J’ai bien peur qu’on ne puisse plus jamais retrouver ce son-là… Je n’aime pas trop le reggae actuel.
Pour assimiler ou digérer les musiques que vous faites, faut-il les avoir vécues de l’intérieur ? Si je me souviens bien, vous vous étiez rendus quelque temps en Turquie avant d’enregistrer « Samaï », votre album précédent.
B.B. : C’est exact. Nous avions envie de nous y rendre. On a acheté beaucoup de disques là-bas… On a découvert plein de choses ! Par contre, nous ne nous sommes jamais rendus en Ethiopie.
M.B. : En tant que groupe, tu dois te définir, c’est la règle. Au départ, nous avions choisi l’étiquette « Ethiojazz ».
Le titre du second album « Samaï » y fait clairement référence… (soit l’équivalent à nos bardes en langage amharique – NDLR)
B.B. : Tout à fait. Mais il faut considérer cela comme une influence. Nous ne faisons pas de la musique comme la font les musiciens éthiopiens.
M.B. : Le rêve serait de pouvoir faire le tour de tous ces pays dont on aime les racines musicales. Celles qui nous inspirent. Comme on l’a fait avec la Turquie.
«J’aime imaginer que lorsqu’ils viennent à un concert d’Azmari, les gens ferment les yeux et se laissent voyager selon leur propre ressenti.» (Matteo Badet)
Kingston ?
A.A. : Oh oui ! (rires)
Pourriez-vous la définir aujourd’hui votre musique ?
A.A. : Non, c’est impossible. Un peu de rock, de la world ?
M.B. : Certains groupes peuvent être clairement rangés dans un style : le punk-rock, le reggae, … Dans notre musique, il y a tellement d’influences !
A.A. : Toujours avec du groove…
M.B. : J’aime imaginer que lorsqu’ils viennent à un concert d’Azmari, les gens ferment les yeux et se laissent voyager selon leur propre ressenti. Qu’importe finalement le nom qu’ils donnent à cette musique.
A.A. : Funk, jazz et dub, j’aime bien.
B.B. : C’est compliqué, hein ? Les programmeurs qui veulent attirer un public sont quand même obligés de la décrire, de lui donner un nom.
M.B. : Oui, mais c’est à double tranchant… Imagine qu’ils indiquent « Ethio-azz »… et qu’un Éthiopien vienne voir ce concert… Pas certain qu’il apprécierait ! En fait, se définir dans un style, c’est rejeter les autres… Et ça, je n’y tiens pas trop. Nous ne composons pas sur base de cette idée-là…
Toutes les fusions sont bonnes à prendre…
A.A. : Je n’aime pas ce mot-là ! (rires)
À défaut quelles seraient alors vos sources d’inspiration communes les plus fortes ?
A.A. : Concrètement, nous passons beaucoup de temps en voiture. Chacun vient avec des playlists de musiques qu’il vient de découvrir ou qu’il a envie de partager. Dans ces moments-là, on voit tout de suite à quoi les autres sont le plus réceptifs… Indirectement, cela nous aide quand nous composons. En dehors de la voiture, nous partageons beaucoup de musiques sous la forme de fichiers, nous allons voir des concerts ensemble…
« Maelström » peut-on lire dans la biographie est votre second album. C’est faire peu de cas de « Ekera », vos débuts sur disque qui pour moi a la durée et l’intensité d’un vrai album…
A.A. : Tu as raison, c’est clairement notre premier album. Pour des raisons de marketing, notre label a souhaité qu’on l’assimile à un EP. Car, paraît-il, un groupe doit toujours commencer sa carrière discographique avec un EP…
M.B. : On considère qu’il est aussi important que les autres…
«Lorsque nous avons terminé l’album, nous lui avons trouvé une atmosphère aquatique.» (Basile Bourtembourg)
Pourquoi ce nom, « Maelström » qui est le nom d’un courant norvégien ? (en fait un puissant tourbillon qui apparaît aussi dans la mythologie nordique, ce tourbillon emportant au fond de la Mer les bateaux et leurs marins – NDLR)
B.B. : J’en suis le responsable… Lorsque nous avons terminé l’album, nous lui avons trouvé une atmosphère aquatique. Contrairement au précédent « Samaï », plus désertique, associé au sable. Je me suis donc intéressé aux courants marins. J’aimais cette idée de mélanger la science et la mythologie.
M.B. : Exactement, le précédent nous faisait penser au sable. Comme nous n’avons pas de paroles, nous avons choisi des titres qui se réfèrent au monde sous-marin.
Maintenant que vous avez un conteur, il faudra penser aux textes… (ce matin-là Azmari avait effectué une performance enthousiasmante avec un conteur, une performance destinée aux enfants dans le cadre du projet « Bota Kids » – NDLR)
B.B. : C’est en cours ! Nous avions imaginé un fil rouge pour la prestation de ce matin. Selon les titres, nous quittions les plages pour rejoindre les fonds marins…
« Samaï » est sorti en pleine période pandémique. Avez-vous néanmoins pu défendre cet album sur scène ?
M.B. : Absolument pas ! On a eu néanmoins la chance qu’il soit enregistré et mixé quelques semaines avant le confinement. Nous en avons retardé la sortie le plus longtemps possible. Puis il a fallu le lâcher, passer à autre chose.
A.A. : On n’était pas du tout dans le trip « streaming ». On en a fait un, ce n’était guère glorieux… Ensuite, nous avons poursuivi avec les nouveaux morceaux.
Votre perception de la musique a-t-elle changé par la suite ? Ce passage du sable à celui des fonds marins est-il dû au COVID ?
M.B. : Je ne pense pas. Ce sont les compositions qui donnent la couleur ou l’atmosphère que l’on retrouve dans notre musique.
A.A. : Nous étions en plein décollage avant que ne survienne la pandémie. Nous avons subi un arrêt obligatoire de six mois environ, durant lesquels nous nous sommes imprégnés d’autres musiques.
Y a-t-il encore des concerts en vue ?
A.A. : On en sort ! (rires) Nous venons de faire une tournée de treize dates que nous achevons ce soir (c’était au Botanique, le 26 novembre ‐ voir le reportage de Didier Wagner – NDLR)
B.B. : Nous jouerons encore à Liège, au mois de mars. Nous n’avons pas encore joué en Wallonie alors que notre tournée est passée par la France, l’Italie, la Suisse et les Pays-Bas…
A.A. : Maintenant, nous allons respecter une petite pause hivernale, comme chaque année. Avant de reprendre au mois de février.
En concert au KulturA, Liège, le 23 mars.
Azmari
Maelström
Sdban / N.E.W.S.