
Beatie Wolfe & Brian Eno : Luminal
Etablir une liste exhaustive des méfaits commis par Brian Peter George St. John le Baptiste de la Salle Eno (dit « Eno ») relève de l’impossible exploit. Dès lors et pour faire un peu plus court, rappelons à l’attention des plus jeunes et des moins avertis quelques moments importants que sa carrière a connus. A commencer par le groupe de glam-rock Roxy Music où tout démarre : deux albums (les premiers) pour lesquels ce garçon qui prétend être « un non-musicien » occupe un rôle un peu flou (technicien du son, bandes magnétiques…). Mais Eno est aussi un personnage excentrique, ce qui ne plaît pas au leader incontesté du groupe, Bryan Ferry, qui ne supporte pas l’ombre. L’aventure Roxy Music prend fin, brutalement. La porte de sortie à peine prise, Eno se lance à corps et esprit perdus vers d’autres horizons dictés par un cerveau en constante ébullition. L’avant-garde (le fameux « No Pussyfooting » – 1973 – avec Robert Fripp, Cluster…), les collaborations (la légendaire trilogie berlinoise de David Bowie, John Cale, David Byrne…), la production (U2, Talking Heads, James…) sans compter les installations sons & images de toutes sortes. Enfin (pourrions-nous prétendre), Eno est bien entendu l’incontestable inventeur de l’ambient, une aventure qui a démarré avec des albums dont les titres résument sans détours le contenu (« Discreet Music », « Music for Airports »…).
Mais au fait, nous en oublierions l’actualité. C’est indiqué sur le plastique de protection qui emballe ce nouveau LP : « New Vocal Album ». Eno nous revient donc en chansons, ce qu’il ne fait que très épisodiquement. Pas seul, ce « Luminal », a été entièrement (à deux détails près) conçu à deux. Eno et l’artiste / chanteuse conceptuelle Beatie Wolfe déjà entrevue auprès de Michael Stipe et de Linda Perry et avec qui Eno partage ici tous les instruments (pour l’essentiel, claviers et guitares électriques) et l’écriture. Et pas n’importe quelles chansons. On s’en serait douté. La lenteur est utilisée tout le long de l’écoute comme un mode d’expression. Appelez cela « Dream pop » si ça vous enchante, moi je vous parlerais plutôt d’univers lynchéen, sans que l’on ne sache tout à fait si ces mélodies fortes et appuyées provoquent chez nous de l’angoisse ou de l’apaisement. Ce qui est sûr, par contre, c’est que ce disque ne vous laissera pas insensible ! Et que Eno continuera à innover, jusqu’à son dernier souffle.
Pour être complet, signalons que simultanément, le duo publie « Lateral », un album de « space music » instrumental.