Belmondo Quintet : Brotherhood

Belmondo Quintet : Brotherhood

Jazz&People

Dix ans après « Infinity Live », les frères Belmondo, Lionel et Stéphane, enregistrent de nouveau avec leur quintet. Le saxophoniste et le trompettiste font partie des musiciens français qui ont, tout au long de leur parcours artistique, réussi l’osmose entre les genres. Que ce soit avec la musique classique et « Hymne au Soleil »(2003), avec la tradition américaine et « Influences » (2005) avec Yusef Lateef, ou encore avec la musique brésilienne et « Belmondo & Milton Nascimento » (2008). Ces influences ne les quittent plus depuis et, si il a fallu patienter tant d’années avant de les retrouver, le plaisir est d’autant plus grand que « Brotherhood » est une magnifique réussite. Le « Belmondo Quintet » a fonctionné en différentes configurations : Henri Florens, Laurent Fickelson ou Eric Legnini au piano ; Thomas Bramerie, Clovis Nicolas, Paul Imm ou Sylvain Romano à la contrebasse ; Jean-Pierre Arnaud, Philippe Soirat, Dré Pallemaerts, Laurent Robin ou Tony Rabeson à la batterie. Voici de nouveau les frères réunis avec la rythmique de rêve composée d’Eric Legnini au piano, Sylvain Romano à la contrebasse et Tony Rabeson à la batterie. Deux compositions de Stéphane et six de Lionel, qui reflètent leurs influences. Le saxophoniste, avec « Hymne au Soleil », a uni le jazz à la musique française de Ravel, Fauré ou Lili Boulanger. Pour quatre de ses nouvelles compositions, il utilise un principe où il établit une correspondance entre les lettres qui composent le patronyme des musiciens auxquels il rend hommage, et les notes de la gamme. Un principe mis en œuvre par Ravel pour « Berceuse sur le nom de Gabriel Fauré ». Ainsi « Wayne’s Words » sur le nom de w.a.y.n.e.s.h.o.r.t.e.r. , « Yusef’s Trees » sur le nom de y.u.s.e.f.l.a.t.e.e.f., « Woody’n Us » sur le nom de w.o.o.d.y.s.h.a.w. et « Letter to Evans » sur le nom de b.i.l.l.e.v.a.n.s. Tous les quatre des figures marquantes dans le parcours des frères. Si la méthode peut ressembler à une gymnastique technique, le résultat a toutes les qualités d’un jazz chaleureux et fraternel. « Wayne’s Words », après une courte intro inspirée des classiques français, voit la rythmique créer une cadence coltranienne où les accords du piano évoquent McCoy Tyner. « Yusef’s Trees », avec le martellement solennel des mailloches, développe une mélodie à la fois profonde et solennelle d’où se détache le solo libéré d’Eric Legnini. Suivent « Woody ‘n Us », avec Lionel Belmondo au soprano et « Letters to Evans » avec, cela allait de soi, la place laissée à la délicatesse du toucher de qui vous savez. Les deux compositions de Stéphane Belmondo révèlent à la fois la tendresse du frère cadet sur « Song for Dad », une ballade dédiée à son père, et l’inspiration soul puisée chez les frères Adderley sur « Prétexte ». Un album où on retrouve avec bonheur tout ce qui fait la musique du « Belmondo Quintet » : l’intensité, la tradition américaine mêlée au classicisme français, l’inspiration et un sens aigu de la belle mélodie et du beau son acoustique. Une bonne nouvelle n’arrivant jamais seule, on se réjouira de la réédition du catalogue B Flat créé par les frères Belmondo en 2003, mais indisponible depuis 2011. Maintenant sur les plateformes digitales en version remastérisée, « Hymne au Soleil », « Wonderland », « Influences », « Belmondo & Nascimento », « Mediterranean Sound » et d’autres sont à portée de vos oreilles.

Jean-Pierre Goffin