Bex-Catherine-Romano, La Belle Vie

Bex-Catherine-Romano, La Belle Vie

Bex – Catherine – Romano,

La Belle Vie

SUNSET RECORDS

“Voilà 20 ans, raconte l’organiste Emmanuel Bex, que nous commencions  à jouer ensemble, 20 ans que la musique du trio mûrit. On a pris notre temps, c’était le beau moment pour l’enregistrer, le beau moment pour la partager.” Ce trio empathique est né un soir au Sunset, dans les années 1990 : “Le trio n’avait encore jamais enregistré ensemble”, note Stéphane Portet, directeur du club parisien. A une petite exception près : l’album du label Pee Wee de 1998, “Bex 3”. Bex 3, parce que réunissant trois trios : Bex avec Bireli Lagrene et André Ceccarelli pour 3 titres, Claude Barthélemy et Stéphane Huchard pour trois autres et Philip Catherine et Aldo Romano pour les 9 minutes de Dans la forêt (thème repris ici), Pour Alain (3’51) et Sunset Boulevard (seulement 54 secondes). Voilà donc réunis à nouveau “trois musiciens majeurs du jazz européen”, des musiciens qui poursuivent une carrière exceptionnelle et se sont croisés à plusieurs reprises. Emmanuel Bex, le Français, a croisé Aldo Romano pour “Because of Bechet” (projet présenté lors d’un Jazz à Liège), avec les saxophonistes italiens Emmanuele Cisi et Francesco Bearzatti. Il a joué avec Glenn Ferris (trombone), Pietro Tonolo (saxophone ténor), Flavio Boltro (trompette), Olivier Ker Ourio (harmonica). Il a enregistré des albums en trio avec les Italiens Fabio Zeppetella (guitare) et Roberto Gatto (batterie) ainsi qu’avec Gérard Marais et Aldo Romano (Poisson nageur). Aldo Romano, en plus de 50 ans de carrière, a côtoyé Chet, Joe Lovano, Carla Bley, John Abercrombie, Steve Lacy, Joachim Kuhn, Paolo Fresu, Glenn Ferris, Louis Sclavis, Henri Texier ou Géraldine Laurent. Avec Philip Catherine, il a participé aux albums September “Sky” et “Transparence”. Philip Catherine, d’un an son cadet, a croisé Charles Mingus, Chet, Tom Harrell, Charlie Mariano, Larry Coryell, Joachim Kuhn, Dexter Gordon, Stéphane Grappelli, Didier Lockwood, Enrico Pieranunzi et NHOP. Pour “La Belle Vie”, chacun a proposé trois compositions personnelles. Ainsi, Emmanuel Bex a porté son choix sur La belle vie pour Maurice (dédié au critique Maurice Cullaz, déjà célébré dans Blues for Maurice sur Bex 3), une ballade qui met bien en valeur la délicatesse mélodique de Philip Catherine et cette sonorité d’orgue, accompagnée ici d’effets de voix (avec un vocoder ?), qui rompt avec la tradition héritée de Jimmy Smith pour se rapprocher de celle d’Eddie Louiss; Tropisme, mélodie qui développe subtilement un motif de deux notes, avec un beau solo d’orgue et, enfin, Dans la forêt, mélodie portée essentiellement par la guitare. Aldo Romano propose deux titres liés à ses attaches italiennes: Elsa, au tempo enfiévré, un thème dédié à Elsa Morante, l’épouse d’Alberto Moravia et Il Piacere, ballade inspirée par un titre de roman de Gabriele d’Annunzio, et enfin, Tompkins Place au swing appuyé, dans lequel le batteur se rappelle un séjour à New York. Pour sa part, Philip Catherine a choisi trois titres qui s’ouvrent sur un rythme de ballade pour s’accélérer au fil du temps, tel un vrai tourbillon : Letter From My Mother et December (titres qu’on retrouve sur “Meeting Colours”, l’album enregistré avec le Brussels Jazz Orchestra) ainsi que Twice a Week qu’il a joué avec Niels-Henning Orsted-Pedersen (contrebasse) mais aussi avec Tom Harrell (trompette) (album “I Remember You”). Tout au long, ce répertoire met particulièrement bien en valeur ce qui permet d’identifier immédiatement la guitare de Philip : une note qui chante, qui résonne comme en écho. Il faut souligner aussi le jeu dépouillé d’Aldo Romano (pas un solo), notamment son jeu de balais tout en délicatesse mais qui insuffle un solide tempo à ses deux complices: “Le swing d’Aldo + le tempo d’Emmanuel: j’adore”, proclame Philip. Nous aussi. L’album démontre aussi que ce n’est pas l’âge qui compte, c’est l’expérience qui permet de rester jeune indéfiniment.

Claude Loxhay