Björk :  Fossora

Björk :  Fossora

One Little Independant Records / Konkurrent

Manifestement, c’est à cause du cinéma (et pas grâce…) que la carrière de Björk a définitivement basculé. Entendons-nous bien : il y a évidemment d’abord eu l’expérience Sugarcubes qui l’a révélée aux yeux du monde entier… Repérée par des producteurs aussi expérimentés et doués que Nelle Hooper, Tricky ou Howie B, l’artiste / chanteuse connaîtra un succès immédiat et les honneurs dès l’entame de sa carrière solo (« Début » date de 1993), un succès mondial qui se poursuivra jusqu’en 1997 (« Homogenic », son troisième album). Puis… Puis il y a eu ce fameux épisode « Dancer in the Dark », sans doute l’un des films les plus tristes du monde ! Lars Von Trier parvient à convaincre Björk de prendre le rôle de Selma, le personnage principal du film. Malgré l’obtention du prix de l’interprétation féminine à Cannes (le film obtient quant à lui la Palme d’Or), elle s’en mordra les doigts, sans qu’on ne sache précisément ce qui lui a causé un tel traumatisme… Toujours est-il…

Toujours est-il que depuis, Björk n’enfile plus sa robe de princesse de l’electro-pop. Que ses derniers albums font certes l’objet d’une réception polie, mais qu’on ne les entend plus à la radio. Tous ces disques, dont les noms finissent par un « a » (« Fossor… a » fait suite à « Utopia », « Vulnicura », etceter… a), alignés depuis l’aube du siècle, ont fini par décourager les fans de la première heure, tant il est difficile parfois de la suivre dans ses raisonnements expérimentaux. Rassurez-vous, elle n’en a cure… Fidèle à ses envies, et à bientôt soixante ans (eh oui !), Björk publie un dixième album dont le thème (les champignons…) et le nom en « a » présagent à nouveau des difficultés de compréhension…

En fait, oui et non… La voix est intacte, le chant à tue-tête. Les chansons s’écoutent par à-coups, selon les accélérations et les décélérations du rythme, sans mélodies bien établies. Mais on perçoit ici, dès le début (« Atopos ») qu’un léger changement prend forme… On ne se trouve pas éjecté de l’univers « Björk » immédiatement. Certaines expérimentations subsistent (« Mycelia », « Trölla-gabba ») et s’il nous faudra plusieurs écoutes successives pour que notre mémoire vive enregistre des bouts de mélodies, l’ensemble de l’œuvre provoque au final une sensation très agréable… Cette façon de chanter (ou plutôt de s’exprimer), cette façon de découdre le rythme et les mélodies nous font un peu penser à la fin de carrière de Scott Walker, dont elle pourrait devenir un pendant féminin. Et c’est clairement un compliment.

Yves Tassin