Black Midi : Cavalcade

Black Midi : Cavalcade

Rough Trade ‐ Konkurrent

En 2019, ce groupe londonien avait secoué une bonne frange du monde musical avec la parution de l’album « Schlagenheim ». Deux ans plus tard, réduit à un trio et victime comme tout le monde de la pandémie, Black Midi se trouve freiné dans son élan de conquête, mais il garde l’envie de publier malgré tout une suite dans un délai raisonnable. Arrive donc ce « Cavalcade » où quelques invités et de nombreux instruments ont été conviés. Après l’innovation sonore émanant du premier cd, il était évident que partir vers d’autres structures et nous proposer encore de l’inédit serait bien difficile. Le manque de concerts, d’enthousiasme émanant d’un retour de contacts avec un public, les a laissés bien solitaires en studio. Avec, comme résultat, un superbe album qui prolonge les sensations du premier mais sans nous surprendre intégralement. Tout démarre sur des chapeaux de roues avec « John L », un titre math jazz rock punky avec un chanteur déclamant son texte sur une guitare qui hache menu, qui déroule un déluge de notes rapides. La suite va nous offrir leur typique mixte fait de structures écrites et d’improvisations mais c’est digeste ! La musique va partir dans tous les sens, exploiter un peu tous les styles musicaux, parfois au sein d’un même titre. Le groupe malaxe tout, du crooner au free jazz en passant par le progressif, la noise et le punk. Sans imprimer de grandes mélodies voire aucune ! Les morceaux sont essentiellement des successions de rythmiques coiffants des ambiances passant du calme au pétaradant. Mais c’est aussi frénétique, parfois dissonant, répétitif, aussi bien dans les moments suspendus que dans le bruitiste. C’est parfois trop caressant comme sur « Diamond Stuff » qui offre un crescendo mais auquel il manque une explosion finale ! Des tas de noms, d’influences nous arrivent brièvement. On pense au white funk du passé comme celui de James White, à A Certain Ratio. Il y a la liberté de l’improvisation, de l’énergie brute, du martellement, des tensions. Leur musique semble manquer de construction mais c’est propre à leur univers… Dans nos pensées surgissent d’autres noms : The Fall, Pere Ubu, The Pop Group… Il n’y a aucun blanc entre les morceaux si bien que l’on se retrouve, étonné, en plein rock progressif sur la dernière plage, à la fois dense et tendue ! Nous voilà parvenus au terme de 44 minutes « d’autres choses » qui tiennent parfois du miraculeux ! « Cavalcade » aurait certainement encore été plus flamboyant si Black Midi n’avait pas été impacté par cette crise. Le troisième album sera décisif pour ce groupe qui est loin de miser sur la facilité. D’où l’importance de se produire en live et d’acquérir un large public. Réceptif dès lors à une prochaine salve de perturbations, d’innovations. Un groupe unique qui ose, fonce et mérite le respect. Vivement une confirmation de mes dires grâce à un concert !

Claudy Jalet