Borderlands Trio : Wandersphere
« Wandersphere ». A lui seul, le titre constitue une invitation à déambuler, à voyager. Peut-être faut-il apercevoir dans ce choix l’attrait de Stephan Crump pour l’écologie (il s’intéressait au mycorhize au moment d’enregistrer ce disque). Davantage encore, il s’affiche comme une allégorie de l’errance (to wander : errer, se promener sans but…) qui sied si bien à la démarche du Borderlands Trio. Sur « Asteroidea », son premier album paru en 2017, le trio s’essayait, se cherchait, cherchait les voies et moyens d’une improvisation qui tienne la route, décidant, pour les besoins de l’édition, de ramener de longues improvisations à des morceaux plus courts. Sur ce nouvel album – un double – pas de coupure, les pièces demeurent telles qu’elles ont été jouées. Au risque d’allonger le résultat final : une pièce d’une demi-heure, une de vingt minutes, une autre de quarante et la dernière de vingt-cinq minutes. Paradoxalement le temps ne semble pas long. Il est à la mesure de cette musique qui ne peut pleinement se déployer que sur la durée, à l’instar d’une pièce pour piano de Morton Feldman ou d’une composition de The Necks. La contrebasse de Crump est en dialogue constant avec le piano de Kris Davis et la batterie d’Eric McPherson. Il n’y a ici ni leader, ni succession de solos démonstratifs. Tout est affaire de balance collective, chacun joue pour et avec les autres, et inversement. Certes, Stephan Crump a supervisé les mixages finaux, mais ceux-ci n’altèrent en rien la dynamique de groupe qui est à l’œuvre. Au contraire, il s’est ingénié à faire ressortir les couleurs polyrythmiques du piano de Davis et la force orchestrale du jeu de cymbales de McPherson. Quant au son de sa contrebasse, il l’a voulu tantôt cuivré, tantôt ouaté, tantôt hégémonique. Fort, très fort.