
Boris Schmidt : Here
L’aventure de cet album est assez particulière. En effet, après l’incendie du studio de Vincent De Bast (sound engineer) tout le matériel est parti en fumée et il a fallu tout refaire. Le groupe a trouvé assez de motivation et d’abnégation pour tout reprendre à zéro, des mois plus tard. Voilà une preuve de plus que ce disque doit être entendu, car Boris Schmidt a des choses à partager et à dire (il a d’ailleurs écrit, pour la première fois, des paroles sur sa musique). Le titre de ce disque, « Here », semble aussi affirmer la volonté du groupe sur l’utilité de cet enregistrement : il est là, il existe ! L’album se construit d’ailleurs comme une réflexion/réaction à la vie. La première partie (« Sharp Nails », « Melancholia », « Broken Branch ») pourrait faire office de constat ou d’état des lieux. Paroles affectées portées magnifiquement et lumineusement par Ana Rocha, mélodies recueillies, tissage empathique entre la contrebasse du leader, la clarinette basse de Bruno van der Haegen et la guitare sinueuse de Lorenzo Di Maio. Puis, avec « Mad Becca » et « Puchi y el Sol », il y a comme un rebond, une prise de conscience. Le propos s’ensoleille, se gorge d’espoir – ou d’utopies – aux accents bossa ou hispaniques (« la misère serait moins pénible au soleil ? », se demandait Aznavour). C’est à ce moment-là aussi que l’on remarque plus clairement un sax « à la Getz » et le piano habile et scintillant de Martin Salemi. Les envolées sont « pleines de retenues », car il n’est pas question de « tout oublier ». C’est pourquoi, dans ce qui semble être la troisième partie, la mélancolie se fait plus « optimiste » et le drumming de Lionel Beuvens, jusqu’ici aussi discret qu’indispensable, se montre plus entreprenant (« Whitewater »). Boris Schmidt confirme dans cet album tout son talent de compositeur et de narrateur (on l’avait déjà soupçonné avec « Now » en 2019). La longue et magnifique intro au piano, sur la coda « Sharp Nails part two », n’est rien d’autre qu’un rappel à ne pas oublier ce qui vient d’être dit et joué. Et pour que le message soit complet, procurez-vous l’album physique et profitez de l’ingénieux pop-up qui présente le cd, à l’image d’une fleur qui éclot. Un très bel album à écouter « Here, There and Everywhere ».