Bruno Tocanne, Sea Song(e)s

Bruno Tocanne, Sea Song(e)s

Bruno Tocanne, Sea Song(e)s

Où il conviendra tout d’abord d’évoquer le cas Robert Wyatt. En se défenestrant un soir du mois de juin 1973, il deviendra paraplégique et abandonnera (par la force de ce drame) sa batterie et son nouveau groupe, le Matching Mole, à leurs tristes sorts. La voie est dorénavant libre de toute contrainte : le fantasque chanteur se replonge, cette fois pour de bon, dans une carrière solo qui démarrera un an plus tard avec « Rock Bottom », un des albums phares des seventies. Plus que d’autres, Bruno Tocanne, batteur lui aussi, ne se remettra jamais des écoutes successives qu’il s’administre de cet album ! Il donnera pour nom « Chanvre mou » à l’une de ses premières formation. Il jouera avec le regretté bassiste Hugh Hopper (que l’on retrouve au générique de « Rock Bottom »). Enfin, il emprunte ici des textes à John Greaves, lequel a participé à l’aventure Henry Cow fédérée par Fred Frith (lui aussi parmi les musiciens inventoriés sur « Rock Bottom »). Bruno Tocanne prétend s’être inspiré de la musique de Wyatt. On le croit volontiers, mais n’étant ni fou ni prétentieux, il savait par ailleurs qu’il ne pouvait accéder aux sommets de l’original. Pourquoi Diable se brûler les ailes ? Les claviers de Sophia Domanicich, le trompettiste Rémi Gaudillat et le chanteur Antoine Läng (parfois sur des textes de Marcel Kanche) entourent le batteur pour une interprétation décalée ou parallèle le la musique du Grand Robert; un format « chansons jazz » sur des mélodies à l’équilibre tendu, hautes perchées sur le fil du rasoir. Mieux qu’un hommage à « Rock Bottom », ces neuf song(e)s captivant(e)s nous embarquent dans un autre univers, tout aussi mystérieux et délicat. Cette lecture-ci – sans trahison aucune – nous agrée pleinement !
Joseph « YT » Boulier