Chansons d’amour

Chansons d’amour

Matthew Bourne – Laurent Dehors, Chansons d’amour (Emouvance)

www.emouvance.com

On avait découvert le Français Laurent Dehors lors de la création de Trio Grande, il y a 20 ans (albums “Trio Grande” chez Igloo en 1994 et “Signé Trio Grande” pour le label Werf en 2001) puis, dans la foulée, à la tête du tentet Tous Dehors, toujours en compagnie de ses deux compères belges, Michel Massot et Michel Debrulle (“Dans la rue” en 1995 puis “Dentiste” en 1998) ainsi qu’au sein du Megaoctet d’Andy Emler (“E total” en 2012, avec Laurent Blondiau). Matthew Bourne, pour sa part, avait rejoint Trio Grande en 2007 (albums “Un matin plein de promesses” puis “Hold the Line” en 2011). La découverte du pianiste anglais lors du festival de Brecon, au pays de Galles, avait marqué Laurent: “Il avait un toucher et un sens musical extraordinaires. A la fin de son concert, je suis allé le voir pour lui dire qu’en général je n’aimais pas trop le piano mais que là j’avais adoré.” En plus des deux albums gravés en compagnie de Trio Grande, Laurent Dehors avait fait appel à Matthew Bourne pour son projet “Concerto Grosso” avec le quatuor de saxophones Habanera et pour “Une petite histoire de l’opéra”. Une réelle empathie était née: “C’est vraiment quelqu’un qui, quand on est ensemble, me met en état de vibration. C’est comme une synergie entre nous. Je l’adore.” Les voici maintenant réunis pour un duo complice et intimiste dédié aux “Chansons d’Amour”. Avec un tel titre, on aurait pu s’attendre à la reprise d’une série de chansons célèbres du passé mais, à l’exception d’une émouvante version de La vie en rose, en hommage à Edith Piaf, la totalité de l’album est consacré à des compositions originales. Laurent Dehors a choisi de reprendre Les Petits Escaliers et ce Triste, écrit à la mort de sa mère, deux thèmes qu’il avait déjà joués avec Trio Grande (album “Hold the Line”). Matthew Bourne propose cinq compositions personnelles (Le Bossu de Rossignol repris à  “Un matin plein de promesses”, 2666 et BDK Theme présents sur “Hold the Line” et deux nouveaux titres). Les autres plages sont consacrées à des improvisations-compositions collectives mais toujours avec ce même sens de la mélodie et d’une poésie latente : “Dans tous les disques que j’ai faits, il y a toujours un moment presque éthéré. C’est par pudeur que je n’en dévoilais pas davantage. Et là, grâce à Matthew, j’ai eu envie de présenter cette facette de moi-même plus intime.” Tout au long des 17 plages de l’album, on retrouve le toucher délié et l’humeur guillerette de l’Anglais (Le Bossu de Rossignol, A propos, Thrown) et la fluidité de la clarinette:  “A travers la clarinette, il y a cette partie plus intime de moi-même qui transpire.” (écoutez notamment sa bouleversante interprétation de La Vie En Rose). Tantôt la clarinette cède la place à la clarinette contrebasse (BDK Theme, Two), au ténor (One), à l’harmonica (Last Take) ou à la cornemuse (Scotch Missed) mais toujours avec la même limpidité mélodique :  “J’ai toujours aimé jouer les ballades, essayer de dire beaucoup avec peu de choses.” Le pari est pleinement réussi.
Claude Loxhay