Ches Smith : Laugh Ash
Voici un de ces disques qui, de prime abord, ne nous titille pas particulièrement, mais qui, une fois écouté, nous laisse déconcertés, désorientés. À commencer par la question de son genre. Jazz ? En partie. Expérimental ? Dans la démarche, très certainement. Musiques nouvelles ? Si l’on veut, à supposer que ce terme signifie quelque chose… Ches Smith a étudié au Mills College à Oakland, son professeur de percussion, William Winant, lui a très tôt fait découvrir la musique de Steve Reich de laquelle il ne s’est jamais vraiment remis. Parallèlement, il s’est intéressé à la musique du vaudou haïtien et s’est livré à l’étude des quatuors à cordes de Beethoven. Plus tard, il s’est pris d’affection pour les artistes hip-hop, et plus particulièrement Kool Keith, Motion Man et E-40. Plus tard encore, il s’est mis à collaborer avec un tas de musiciens aventureux tels Marc Ribot, Craig Taborn, Dave Holland, Tim Berne, John Zorn, mais aussi Nels Cline (du groupe de rock Wilco), Xiu Xiu et bien d’autres. Le New York Times l’a salué comme un des batteurs les plus opiniâtres de la scène expérimentale. Sur cet album, Smith s’est entouré de la chanteuse Shara Non, laquelle, présente du début à la fin, lui confère une dimension vocale remarquable. On y retrouve également le trompettiste Nate Woolley et le bassiste Shahzad Ismaily, toujours présents quand il s’agit d’opérer hors de chemins battus et hors des styles assignés. On note aussi la participation du saxophoniste ténor James Brandon Lewis et d’un trio de cordes emmenée par la violoniste Jennifer Choi. Enfin, celle d’une flûtiste et d’un clarinettiste. Il n’est dès lors pas étonnant que le disque fasse naviguer l’auditeur dans des eaux extraterritoriales, hors des limites du jazz reconnu, tentant parfois de le faire accoster sur les rivages d’un minimalisme maximaliste. Pas étonnant non plus que ce soit Pyroclastic Records, le label défricheur new-yorkais fondé par la pianiste Kris Davis, qui soit à l’œuvre dans la mise à flot de ce curieux brûlot.