Daniel García : Via de la Plata
On cherche, on creuse et un jour, il arrive qu’on découvre une pépite. Enregistré en trio par le pianiste madrilène Daniel García, « Via de la Plata » est un de ces disques rares dont on tombe amoureux dès les premières mesures. La Via de la Plata (la Voie de l’Argent) est une antique chaussée romaine qui traversait la péninsule ibérique du Nord au Sud et sur cette voie, Salamanque, ville d’origine de Daniel Garcia, était une étape importante. Si le pianiste a choisi d’appeler ainsi son disque, c’est pour faire l’analogie entre, d’une part, sa musique ouverte à toutes les cultures hispaniques et, d’autre part, une artère qui, en traversant la péninsule, connectait toutes les civilisations qui ont fait l’Espagne d’aujourd’hui.
Premier titre du répertoire, « Cancion del Fuego Fatuo » (chanson du feu follet) séduit par son thème nostalgique. Cette splendide composition de Manuel de Falla bénéficie de la présence du trompettiste Amin Maalouf en invité, dont les volutes légèrement orientalisantes et la sonorité profonde suscitent l’émotion. On sent bien que Daniel García a voulu creuser son héritage, brasser ses différentes sources et en magnifier la signification afin d’en retransmettre avec émotion un message riche en humanité. Ainsi, sa composition « Calle Compañia », enluminée par la guitare de son compatriote Gerardo Núñez, est dédiée à l’une des rues les plus authentiques de Salamanque. On y ressent le goût de la tradition et du passé mais aussi une joie de vivre qui traduit l’animation perpétuelle qui prévaut dans cette artère bordée de bâtiments historiques. On retrouve Gerardo Núñez dans « Calima », d’après le nom du vent qui transporte les tempêtes de sable du Sahara. Le guitariste et le pianiste s’entendent à merveille, hésitant entre jazz et flamenco pour finalement enfanter une fantastique musique fusionnelle aux accents partagés.
Une troisième invitée de marque, Anat Cohen, intervient sur « Pai Lan », une composition du leader en hommage à son épouse. La clarinettiste, qui fait ici ses débuts sur le label ACT, délivre un remarquable solo qui magnifie le lyrisme de cette belle composition classicisante. Il faut aussi l’écouter sur le titre éponyme échanger avec le pianiste des bribes de charrada, une antique danse folklorique de la région de Salamanque. Enfin, les trois morceaux interprétés en trio témoignent que Daniel García s’est trouvé deux complices aptes à jouer sa musique : Reinier Elizarde (basse) et Michael Olivera (batterie), deux Cubains rencontrés à Madrid, qui se distinguent par un accompagnement dynamique où l’échange est hissé au rang de vertu cardinale.
« Via de la Plata » est un album protéiforme ouvert sur de multiples horizons culturels. Au fil des titres mais parfois aussi au sein d’un même morceau, folklore, tradition et jazz s’y mélangent de manière subtile pour créer une musique nouvelle qui emporte et fait vibrer. Et comme chacun le sait, quand on vibre, c’est que c’est bon !