Daniel Romeo, l’album studio
Daniel Romeo, l’album studio, enfin !
Sortie de « The Black Days Session » fin février pour le bassiste Daniel Romeo. Rencontre.
Propos recueillis par Jean-Pierre Goffin
Daniel, vous êtes peu souvent mis en lumière, pourtant votre parcours est assez impressionnant. Pouvez-vous nous en faire un résumé ?
Bassiste de Paco Sery pendant sept ans, de Bernard Lavilliers depuis quatre ans, je joue beaucoup dans le monde du jazz en France. A l’époque où je jouais avec Paco Sery, j’ai beaucoup traîné dans des groupes en France et peu en Belgique. J’ai fait des disques avec Alex Tassel, avec Manu Katché et Marcus Miller, avec des musiciens de jazz comme Dédé Ceccarelli en studio… Dans le monde plus pop variétés, j’ai aussi accompagné Liane Foly, Axelle Red. James Brown… Je ne suis pas le seul Belge à avoir joué avec lui, en fait, il jouait en Flandres dans les Proms et il est venu chanter un soir avec nous. Je l’ai croisé plusieurs fois dans des séries de concerts où Paco Sery faisait la première partie avant les Temptations et James Brown.
Vous êtes très demandé sur tous les circuits, d’où l’événement que constitue la sortie d’un cd.
J’aime jouer la musique que j’écris, être sur scène avec mon band à moi, mais parfois les propositions sont tellement alléchantes avec d’autres, c’est chaque fois un nouveau challenge. C’est comme quand j’ai accepté d’être directeur artistique de « The Voice » ; dans le milieu du jazz, on m’a demandé ce que je faisais là et je réponds : venez arranger 130 morceaux en trois ou quatre jours, pour moi ça c’est un challenge et ça m’amuse, c’est pour ça que j’ai accepté ce job , se retrouver avec des gens qui chantent bien , qui chantent moins bien, trouver un arrangement sur une minute trente dans des styles différents, en trois quatre jours pour les blinds, c’est violent ! Je me suis monté une super équipe avec Jean Prat, Raphaël D Backer… c’est chaque fois un défi.
Cet album est vraiment le premier studio (après un « Live au Sounds »).
En fait, j’ai fait deux autres albums que je ne sortirai pas, un avec Mike Stern, en 2000/2001, j’en ai fait deux moutures la première en studio dont le son ne m’a pas plu, puis j’ai revisité l’album deux ans plus tard, je l’ai mixé à Paris, mais je ne l’ai pas sorti. Il est dans mes tiroirs, il y a aussi Rosario Giuliani sur cet album.
« The Black Days Session » a été annoncé en 2018 déjà.
Il n’était pas vraiment prévu de le sortir en 2018, ce qui s’est passé c’est que j’ai un ami qui s’appelle Thierry Tinlot chez qui j’ai fait un concert privé avec Eric Legnini et Frank Aguhlon. Je lui ai parlé du disque que je préparais, il a demandé pour l’écouter et il m’a parlé de faire un kisskissbankbank, je ne savais pas ce que c’était… Il m’a expliqué et s’en est occupé, les fonds sont arrivés, ça nous a permis de faire le cd et le vinyl. Par la suite, j’ai beaucoup tourné avec Lavilliers, le temps que je trouve un label, que je m’associe avec CQSG, un label français et la machine se met en route.
Comment s’est déroulé l’enregistrement ?
On a enregistré quasi tout en trois-quatre jours et les musiciens sont repartis, j’ai alors continué à travailler sur le disque. J’ai repris un enregistrement que j’avais fait avec Toots à l’époque, j’ai ressorti ce morceau, j’ai gardé son solo d’harmonica, et j’ai refait la musique autour avec notamment Dré Pallemaets à la batterie. J’ai aussi fait ça sur un autre morceau où il y a Flavio Boltro qui s’appelle « When You Reveal Yoursef ». Là, j’ai gardé le solo de Flavio Boltro et de Cyrille Bugnon et j’ai refait la musique autour. Le travail de production a été assez vite, je dirais quinze à dix-huit jours en tout. Le reste est vraiment joué live chez moi dans mon studio à Anderlecht, le « Da Recording Studio ».
Pour qui connait l’énergie funk de Daniel Romeo sur scène – souvenirs de « Crazy Moondog » et du concert au Festival des Libertés – on a l’impression que le disque est bien plus sage…
Je ne me suis pas assagi, c’est la période de l’enregistrement, ce qui se passait autour de moi au moment de l’enregistrement qui fait ça. C’est d’ailleurs pour ça que le disque s’appelle « Black Days Session », une période de ma vie spéciale, le disque pêchu va suivre… Il y a des choses plus dans les racines… « The Black Days » ou « Onika », par exemple, contiennent des choses qui proviennent de mes racines en Italie, au niveau mélodique par exemple. Le premier jour de l’enregistrement, Eric (Legnini) et moi sommes allés à l’enterrement d’un ami très proche, mon ingé son pour mes concerts ; j’ai écrit des morceaux deux ou trois jours avant l’enregistrement, donc entre son décès et l’enterrement, on était dans une période spéciale, le mood était particulier. J’ai écrit « On The Edge » pour ma mère qui est décédée dans la même période.
Dans le morceau d’ouverture on pense à Scofield et sa collaboration avec « Gvt Mule ».
C’est pas là que je suis allé chercher, mais je comprends la référence, c’est une musique ambiancée. Je pense à « We Want Miles ».
Michel Herr a participé à deux arrangements pour cordes.
J’ai appelé Philip Catherine pour jouer sur « La Valse de Soleil Marijane » avec moi et un arrangement de Michel Herr. Il a dit oui, mais à l’époque il était dans son projet avec orchestre de chambre pour un concert filmé et enregistré à Flagey. Une semaine avant l’enregistrement, il m’a téléphoné pour me dire qu’il ne s’en sortirait pas, qu’il avait trop de travail avec son projet. Il a décliné. J’ai appelé Michel Herr pour lui dire que finalement j’allais le faire seul, basse électrique et quatuor à cordes. Quant à « Vincent », c’est mon fils aîné, le morceau se trouvait déjà sur le « Live at the Sounds ». Je pense que c’est une mélodie que je vais mettre sur beaucoup d’albums, que je vais décliner en versions différentes.
Ce qui est déjà le cas ici.
Oui, je le joue en duo avec Julien Tassin à la guitare et moi à la guitare baryton. Je sais déjà que sur le prochain album, il y aura une version encore différente. J’aime cette mélodie et j’ai souvent de nouvelles idées pour la jouer. Pour cette version-ci en duo, j’ai choisi Julien Tassin parce que j’adore ce guitariste, il est exceptionnel, en jazz, mais aussi dans d’autres styles.
Pas mal d’invités sur la plupart des morceaux.
C’est important d’être en confiance avec des gens qui me connaissent. Et j’ai de la chance car les gens que j’admire sont souvent aussi des amis. Monter sur scène avec des gens qu’on aime musicalement, envers qui on a du respect, d’être proche d’eux, ça apporte une liberté totale quand on est en studio.
Et bien sûr Eric Legnini.
Eric c’est mon frère. « Fat Cat », c’est un hommage pour Eric, je l’appelle mon gros chat. On s’est connu quand j’avais treize ans, on jouait ensemble, on avait un studio d’enregistrement, il m’a apporté beaucoup de choses dans le jazz et je pense que je lui ai aussi apporté beaucoup dans la pop. On est en contact chaque semaine. On a eu un groupe ensemble qui s’appelait « Skyline » avec Eric, Stéphane Galland et moi, on jouait au « Quadrilatère » à Huy, juste avant qu’il ne forme le trio avec Jean-Louis Rassinfosse. J’ai d’ailleurs une petite vidéo de cette époque au Quadrilatère que je garde dans mes archives. Je garde tous les enregistrements à la maison… avec Kurt Van Herck, avec Dré Pallemaerts, avec Pierre Van Dormael, j’ai énormément de bandes à la maison. J’aime être en studio, et le fait d’être souvent parti maintenant et de faire de la production bien carrée où il faut être dans les délais, j’ai moins la possibilité de le faire, mais je vais m’y remettre à inviter des gens et enregistrer des trucs sans trop savoir où on va.
« The Black Days Session » sort en CD et vinyl combinés. Le son c’est important pour quelqu’un qui vit la plupart du temps en studio.
Le problème c’est que le son sur des plateformes comme Spotify n’est pas terrible, ça va sûrement s’améliorer dans le temps. Tinder c’est par contre super , mais c’est lourd… « Spotify » est tout de même hallucinant, il y a tout… Mais on loupe tout de même l’excitation de la sortie : je me souviens des « Weather Report », des albums de Miles Davis, on les attendait avec excitation. Et on écoutait la musique différemment, on s’assied, il y a un geste, on prend un verre et on écoute. En réalité, le CD est mieux que le vinyl, c’est plus proche de ce qu’on fait en studio, le digital le transmet de manière plus saine… Après, le mastering est différent. J’ai voulu sortir en double vinyl avec cd inclus, deux vinyls parce que je voulais que le son soit parfaitement bien, c’est un vinyl de classe 1 point de vue qualité. J’ai une collection de vinyls et j’ai fait cela par plaisir , ça m’a couté une blinde. L’intérêt c’est de faire un beau produit avec une belle pochette, une belle photo, un beau carton. Et si les gens veulent profiter de la pochette ils peuvent la mettre comme ceci et quand ils en ont marre, ils tournent la pochette et ils ont une autre photo ! C’est calculé, on vend des cadres à vinyl, j’en ai et j’y ai mis l’album !
CONCERTS
Duc des Lombards à Paris les 16, 17 et 18 avril
Heptone à Ittre le 19 avril
Spirit of 66 à Verviers le 20 avril
Open Jazz Club à Comines le 21 avril
Sounds à Ixelles les 22, 23 et 24 avril
La Bonne Source à Fleurus le 25 avril
L’An Vert à Liège le 26 avril