Dave Douglas, Fly Me To Mars
HELLO JAZZ ! Festival 2015
Dave Douglas @Flagey : « Fly me to Mars »
Lorsque l’album « Be Still » est sorti, Dave Douglas présentait un nouveau line up de jeunes musiciens qu’il allait conserver pour ses productions suivantes, « Time Travel » en 2013, et « Brazen Heart » dont la sortie coïncide avec le concert donné à Flagey, le vendredi 16 octobre dernier, dans le cadre du Hello Jazz Festival 2015. Rapide tour de piste : Jon Irabagon, saxophoniste, remporte en 2008 la Thelonious Monk Competition, avant d’être nommé star montante à la fois à l’alto et au ténor par le magazine Down Beat, puis élu musicien de l’année dans le « New York City Jazz Record ». Matt Mitchell est le pianiste américain qu’on pouvait découvrir sur « Bird Calls » de Rudresh Mahanthappa, un des meilleurs albums de ces derniers mois ( paru chez ACT), mais aussi avec Tim Berne ou sur une récente production du label Challenge Records avec Greg Osby et Tineke Postma. Rudy Royston à la batterie, aussi présent sur « Bird Calls », est un des batteurs les plus actifs de la jeune scène jazz newyorkaise, on trouve aussi à son tableau de bord des collaborations avec Bill Frisell, Ravi Coltrane, Sean Jones, Jeremy Pelt ou Jason Moran pour n’en citer que quelques-uns. Enfin, et la galanterie aurait voulu que j’entame cette présentation par elle, Linda Oh est une des contrebassistes les plus demandées du moment, que ce soit avec Joe Lovano, Lee Konitz, Steve Coleman, Geri Allen !
Alors, l’attente était grande à Flagey, et on allait assister à un concert d’une qualité remarquable. Dès l’entrée en scène, on sent Dave Douglas d’humeur enjouée, prêt à être complice avec le public bruxellois. Dave Douglas ouvre seul en solo, une pièce un peu hermétique, révélant sa grande technique sur l’instrument, on prend ceci comme un simple échauffement. La suite allait enthousiasmer. L’art du trompettiste est de composer des pièces moulées dans la tradition, mais dont le développement révèle de multiples surprises : ainsi le jeu influencé par la musique classique contemporaine de Matt Mitchell, ses grands écarts d’accords et son toucher d’une réserve lumineuse; ou la grande variété de sonorités du ténor de Jon Irabagon, traversant l’histoire de Ben Webster (sur Deep River et There is a Balm in Galead, des pièces traditionnelles issues du gospel, où Dave Douglas fait référence aux sonorités de Lester Bowie) à Joe Lovano. Surprenants aussi ces riffs du leader et du sax sur un solo tout en douceur de Linda Oh, que Douglas incite à applaudir à plusieurs reprises. De bout en bout, on est soufflé par l’incroyable maîtrise du groupe, la faculté constante de contrôler la situation même dans les moments d’extrême liberté, l’immédiateté des réactions entre solistes, et le caractère parfois inédit d’une musique qui en tout moment pourtant touche à la tradition. Faisant allusion à sa tournée qui le fait traverser toute l’Europe, puis l’emmène en Australie, Dave Douglas plaisante en annonçant une série de gigs sur la planète Mars. Si le concert avait déjà des accents surnaturels, plus d’un dans l’auditoire était prêt à réserver sa place dans la navette spatiale. L’album «Brazen Heart » sort sur le label du trompettiste Greenleaf Music (www.greenleafmusic.com)
Jean-Pierre Goffin