Dave Liebman – Brussels Jazz Orchestra
Guided Dream (Prova Records)
Depuis sa création en 1993, le Brussels Jazz Orchestra a invité de nombreux musiciens américains, de Tom Harrell à Phil Woods ou Bob Mintzer, mais seule sa collaboration avec le pianiste Kenny Werner avait, jusqu’alors, abouti à un enregistrement (Naked in the Cosmos en 2003): ce qui donne d’autant plus d’importance à cette rencontre avec Dave Liebman, un des acteurs majeurs de la scène jazz aux Etats-Unis et en Europe. Après avoir débuté aux côtés d’Elvin jones et de John Mc Laughlin, le saxophoniste natif de Brooklyn a, entre autres, rejoint la formation de Miles Davis, gravé un Tribute to John Coltrane en compagnie de Wayne Shorter, fondé le célèbre quartet Quest avec Richie Beirach mais aussi joué avec des musiciens européens tels que Paolo Fresu ou Joachim Kuhn. La première collaboration de Liebman avec le BJO a eu lieu, en 2003, au festival du Middelheim et cette rencontre s’est révélée tellement enthousiasmante que, trois ans plus tard, elle se prolongeait par des concerts donnés à Gand et Turnhout. C’est lors de ces concerts que la VRT réalisa un enregistrement live qui a attendu près de 5 ans dans les tiroirs avant de se voir concrétisé grâce à Prova Records, le label du pianiste Michel Bisceglia. A l’exception d’un très lyrique “In a sentimental mood” cher à Ellington, le répertoire est constitué de compositions originales que Liebman a empruntées à des époques très différentes de sa carrière, de “M.D.” (un hommage à Miles, déjà présent sur Lookout Farm, le premier album personnel du saxophoniste en 1973) à “Papoose” (l’une des plus belles plages de Songs for my daughter de 1994, gravée en compagnie du guitariste Vic Juris et du pianiste Phil Markovitz), en passant par “Off a Bird” (référence à Parker, présente sur Spirit renewed en 1991, en trio avec Eddie Gomez et Bob Moses). Pour orchestrer ces pièces initialement écrites pour de petits combos, Liebman a fait appel à 7 arrangeurs spécialistes en grandes formations, tels que le pianiste suisse George Gruntz ou Bill Dobbins qui fut le directeur du WDR Big Band de 1994 à 2002. Sur les huit longues plages de l’album, on retrouve la sonorité ample et incisive du soprano, avec cette prédilection pour les registres aigus et les rythmes complexes qui lui a fait traversé toute l’histoire du jazz contemporain. Les subtils arrangements magnifient la puissance de la masse sonore du BJO sur tempo effréné (“Gazelle”, extrait de l’album Trio + One ou encore “Move on some”) mais savent aussi utiliser toute la délicatesse de sa riche palette sonore, comme avec cet ensemble trompettes bouchées, flûtes et clarinettes qui, sur “Portrait of Dorian Grey”, débouche sur un étonnant duo entre le soprano de l’Américain et la clarinette basse de l’Allemand Steffen Schorn. Les différents solistes, de Frank Vaganée à Nathalie Loriers, en passant par Gino Latucca (tp), Kurt Van Herck (ts) ou Hendrik Braekman (g), se mettent, tour à tour, en évidence. Dave Liebman a certes joué de multiples fois avec de grands orchestres, comme l’Allemand WDR Big Band, le Norvégien Tolvan Big Band (album Guided Dreams en 1985) ou celui réuni pour l’album As always en 2010, mais cette rencontre avec le BJO restera parmi les plus percutantes.
Claude Loxhay