David Murray Quartet : Francesca

David Murray Quartet : Francesca

Intakt Records

C’est à la fin d’une tournée européenne l’automne 2023 avec son quartet que David Murray se pose aux Hardstudios de Winterthur : avec Marta Sanchez au piano, Luke Stewart à la contrebasse et Russell Carter aux drums. Autant dire que le matériel a été trituré dans tous les sens et que les compositions sont rodées : pas question toutefois que le saxophoniste et son team les reproduisent docilement, ce n’est pas le genre de David Murray dont les multiples enregistrements nous ont épatés par leur spontanéité. « Francesca », le nom de son épouse, ouvre l’album sur un tempo de valse enlevée qui contient tout ce que la tradition du sax a pu apporter à Murray et sur lequel Marta Sanchez se révèle à la fois romantique et complètement imprégnée de l’esprit « Murray » ( à (re)lire la chronique d’Eric Therer de son album en trio « Perpetual Void » – https://jazzmania.be/marta-sanchez-trio-perpetual-void/). « Ninno » est un thème gentiment syncopé dans lequel se glissent quelques rythmes sud-américains. Deux thèmes sont joués à la clarinette basse : « Shenzen », souvenir d’une tournée à Hong Kong en duo avec Kahil El Zabar, et « Richard’s Tune » – composition de Don Pullen, le seul titre qui ne soit pas de Murray) – joué comme une autre valse et introduit parfaitement par Marta Sanchez. « Come and Go », pièce maîtresse de l’album, synthétise à la fois l’esprit romantique et la furie free avec ces changements si particuliers de Murray passant du grave de l’instrument à la stridence free d’un Albert Ayler. « Free Mingus » rappelle aussi la face rhythm’n blues du leader qui laisse ici la place à un puissant solo de Luke Stewart. « Am Gone Get Some » se rattache plus aux influences de Don Byas et Ben Webster (avec lequel Murray nous dit avoir conversé sur sa tombe à Copenhague dans l’interview de 2010 !). Puissance et créativité sont les maîtres-mots d’une session de studio ébouriffante qui par moments sonne comme un « live » tant l’intensité du quartet est de tous les instants.

Jean-Pierre Goffin