Early Gospel Recordings
Early Gospel Recordings, Spreading The Word
J.S.P. RECORDS (4CD)
John Steadman offre maintenant un catalogue fort riche tant en albums récents qu’en rééditions, et parmi celles-ci, la musique Gospel occupe une place non négligeable (voir www.jsprecords.com). Ce nouveau coffret de 4 cédés pioche généreusement dans le black gospel des années 1920 et 1930 surtout, avec de brèves incursions dans les années 1950. Le volume A reprend, en intégrale, les 16 faces OKeh d’Arizona Dranes (Chicago, 1926-1928), les 4 faces Vocalion de Sister Mary M. Nelson (Chicago, 1927), les 4 faces Brunswick des Holy Ghost Sanctified Singers (Memphis,1930) et 2 des 4 faces Victor des Louisville Sanctified Singers (Louisville, 1931). La pianiste aveugle «Arizona» (1)Juanita Dranes (née au Texas en 1889 ou 1891, morte à Los Angeles en 1963) (2) est la vedette du recueil : son jeu de piano est très influencé par le ragtime (démonstration magistrale dans les 2 instrumentaux Crucifixion et Sweet Heaven Is My Home) et par l’ A.D.N. même de la musique gospel, celle des «good news», de la joie débordante, devant booster les louanges à Dieu comme prescrit dans la Bible : Make A Joyful Noise Unto The Lord ! C’est bien ce à quoi s’attache Dranes dans toutes ses interprétations que ce soit en solo (voix, piano) ou accompagnée : 2 faces avec Sara Martin (voix) et Richard M.Jones (piano), 5 faces avec le Reverend F.W.McGhee & His Jubilee Singers et 6 faces avec accompagnement de mandoline (sans doute Coley Jones)(3). Les 3 autres groupes oeuvrent dans la même ambiance avec exubérance et ferveur, ce que l’on va retrouver encore et encore dans les autres opus. Une mention à Sister Nelson pour sa voix rugueuse et à Bessie Johnson qui chante sans doute avec les Holy Ghost Sanctified Singers, accompagnée par Will Shade (harmonica) (3) dans 4 faces excellentes. Le volume B met le projecteur sur les 16 faces Columbia gravées à Dallas entre 1927 et 1929 par Washington Phillips, Texan lui aussi (1880-1954), il est doté d’une voix plaintive et planante, il psalmodie autant qu’il chante avec beaucoup d’introductions parlées. Philips s’accompagne au dolceola (un instrument hybride formé d’une cithare associée à un clavier genre piano, inventé en 1902). De tous ces titres se dégage un charme éthéré, suranné, unique dans le domaine de la musique gospel d’avant 1945, les textes sont du plus grand intérêt (4). il y exprime sa foi, sa tolérance et son souci des autres, dans Denomination Blues (3), il brocarde la guéguerre que se livrent les diverses sectes protestantes (plusieurs dicidences de Baptistes, Méthodistes, etc.). L’autre vedette de ce volume B, avec 8 faces mémorables, est Bessie Johnson avec sa voix de rogomme, forte et éraillée mais tellement expressive, on a ici les 4 faces Okeh (Atlanta, 1929) ainsi que les 2 faces Vocalion ( Memphis 1930) – attribuées à Brother Williams & Memphis Sanctifies Singers mais où on entend la voix de Bessie Johnson- et les 2 faces Victor (Memphis 1929), ces 4 dernières avec Will Shade (guitare)(3) ; notons encore 2 faces Columbia des Texas Jubilee Singers (Dallas 1928) avec Arizona Dranes toujours aussi enthousiaste et extravertie. Le volume C fait la part belle aux prêcheurs, mais pas que, avec 6 faces Victor et 4 faces Okeh de Elder Richard Bryant avec kazoo, harmonica, banjo, guitare, mandoline, washboard, jug, et cornet(3) (Memphis 1928), alternant prêches et chants plein d’entrain comme les 2 faces Columbia de Luther Magby, chant et orgue (Atlanta 1927), 4 faces Okeh de 1928 du Rev. Johnnie Blakey avec guitare (Lonnie McIntorsh ?) et tambourin avec en sus Bessie Johnson et les Sanctified Singers (Chicago 1928), 2 faces Brunswick des Southern Sanctified Singers (Chicago 1929), les 2 faces Victor du Rev.E.S. ‘Shy’ Moore (Memphis 1928) et cerises sur le gâteau, les 2 seules faces jamais enregistrées par Sister Lottie Peavy (San Francisco 1937) avec un orchestre de jazz comprenant Bunk Johnson (trompette), Turk Murphy (trombone) et autres musiciens du Lu Watters ‘Yerba Buena Jazz Band’ (3), c’est festif, joyeux et plein de vie. Autre régal, les 4 faces Decca du Prof. Johnson et ses Gospel Singers (New York 1950) avec le pianiste de jazz et de blues Sammy Price (3). Le volume D n’est pas en reste avec 6 faces Okeh de McIntorsh & Edwards avec, encore une fois, Bessie Johnson(Chicago 1928) dont The 1927 Flood de sinistre mémoire, 7 faces Okeh de Jesie Mae Hill (Chicago 1927) avec Arizona Dranes (p), 2 faces Columbia (Dallas 1928) et 4 faces Brunswick (Kansas City,1929) de Laura Henton, ces 4 dernières avec de fameux jazzmen du coin : Bennie Moten (piano) – le mentor de Count Basie-, Eddie Durham (guitare),…(3), 2 faces Columbia du Rev.Joe Lenley (Dallas 1929) et, joyau parmi les joyaux, les 6 faces Capitol de Goldia Haynes avec Joe Liggins (piano), Gene Philips (guitare) Eddie Davis (contrebasse) (Los Angeles 1950), excusez du peu ! (3). 105 faces avec une pêche d’enfer (oops !). Enjoy….
Robert Sacre
(1) Née au Texas, résidente un temps de Memphis puis de Los Angeles jusqu’à son décès, on se demande d’où lui venait ce surnom d’ «Arizona»…
(2) Les notes de Keith Briggs sont pertinentes quoique trop sommaires et il y a du flottement : les notes de pochette ne suivent pas strictement le planning des enregistrements – ce n’est pas très grave – mais il donne 1984 comme date de naissance de Dranes ( ?!?) et 1944 pour les gravures de Sis. Lottie Peavy à SF alors que les discographies les situent en 1937 !!! etc…Un manque flagrant de relecture!…ou de précipitation funeste dans la prod.
(3) Une fois de plus, notons les vases communicants entre blues, jazz et gospel, évidents pour les musicien(ne)s ….Beaucoup moins pour (trop de) collectionneurs aux œillères parfois rigides.
(4) Tous les textes sont repris dans «Document Blues- 2» de R.R.MacLeod, PAT Edinburgh 1995.