
Emilia Vancini & Guillermo Martín-Viana : Pigri
Qui n’aime pas chanter ? Chanter parce qu’on est heureux. Chanter parce qu’on est triste ou mélancolique ou amoureux. Chanter pour se révolter. Chanter a cappella est ce qu’il y a de plus « primal » mais c’est aussi ce qu’il y a de plus difficile à faire.
Emilia Vancini tente l’exercice. Sans filet. Mais avec un batteur : l’espagnol Guillermo Martín-Viana. A l’instar de Abbey Lincoln, Max Roach et de l’époque des Protest Songs. Et pour aller au bout du processus, le duo a enregistré la performance en live en studio, sans « re-re » ni overdubs. Du brut, du spontané. Et le résultat impressionne.
Dans sa « sècheresse » assumée, la nuance transparaît pourtant toujours et l’émotion est immédiate. Emilia et Guillermo explorent différents territoires musicaux, allant de Gershwin et Weill (« My Ship ») à Mingus (l’acrobatique « Duke Ellington’s Sound of Love ») en passant par Bacharach ou Sting et en flirtant aussi avec les soleils : « Ilu Ayé », « Chega de Saudade ». Le batteur use des balais, baguettes et grelots de façon très libre, ajoutant ainsi autant de reliefs que de décalages déroutants, comme pour éviter de n’être là « que » pour supporter la voix. Sur deux titres, d’ailleurs, il raconte l’histoire en solo total (« For J.B. » et « Song For Victor Jara »). La voix d’Emilia Vancini, elle, est affirmée et agile, et son sens du timing et des respirations sont remarquables. La preuve avec ce « He Beeped When He Should Have Bopped » de Gillespie qu’elle chante totalement a cappella. Et puis, il y a « Pigro », qui a fortement orienté le choix de ce projet original. Cette chanson populaire italienne des années ’70, faussement joyeuse, dénonçait le conservatisme et la fainéantise des nantis et autres suffisances de quelques autocrates. Par ces temps de triste « revival sectaire », ce « Pigri » tombe à point nommé.