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Espace impair : Valse en U
Voilà ce qui arrive quand on fait des mélanges. On s’enivre quelque peu et l’on perd un peu ses appuis dans une douce euphorie. Jazz, trad’, pop, classique, de chambre ou contemporaine, Espace Impair s’inspire de ce genre de musiques pour en faire une à leur manière. Parfois très écrite et précise, elle se laisse aller allègrement à l’improvisation plutôt bien inspirée. Gérald Lacharrière, Matthieu Buchaniek et Frédéric Volanti, se permettent d’oser grands et petits écarts. Dans cette configuration singulière (flûte traversière, piano, mélodica et violoncelle), le trio nous promène de pays en régions, de parfums en fragrances et de paysages en panoramas. Il vagabonde même, tant les bifurcations rythmiques et harmoniques jouent les surprises. Surprises avec un piano nuancé, aux attaques fermes (« Valse en U »), parfois suivies de digressions plus évanescentes ou d’un romantisme fougueux (« Mer Morte »), qui saute soudainement à pieds joints dans une danse débridée sur la « Piazza Di Spagna ». Avec une flûte sautillante qui emporte tout le monde sur « Ségolène Swing » avant de se faire plus mystérieuse et vibrante pour accompagner un violoncelle perturbé et déboussolé dans la « Toundra » (une des pièces maîtresses de l’album). Ce même violoncelle qui n’hésite pas à pleurer magnifiquement sur le très dépouillé et élégiaque « Silencio ». Mais ce sont le dosage fragile et intelligent des trois instruments et la complicité des artistes qui créent la magie de ce trio atypique. Oui, Espace Impair s’enivre de souvenirs, de lumières et de vents ramenés de leurs voyages, réels ou imaginaires. Et c’est nous qui titubons agréablement.