Femi Kuti & Made Kuti : Legacy +

Femi Kuti & Made Kuti : Legacy +

Partisan Records / PIAS

« Legacy + » est le titre d’un pack qui se compose de deux nouveaux albums studios. Il s’inscrit dans la lignée de l’héritage du légendaire Fela Kuti, chanteur, saxophoniste nigérian, décédé en 1997 et créateur du fameux « afrobeat ». Ces deux cd sont l’œuvre de Femi Kuti, fils de, et Made Kuti petit-fils de.

Le premier album à découvrir est celui de Femi. Le chanteur multi-instrumentiste approche tout doucement de la soixantaine. Il perpétue la tradition familiale en publiant un onzième cd intitulé « Stop the Hate ». Dès le premier titre « Pâ Pâ Pâ », le ton est donné : grosse basse, cuivres, orgue, percussions africaines. C’est funky à fond et Femi s’en prend déjà au gouvernement de son pays, le Nigéria. Pour tout qui apprécie l’afrobeat c’est du pain béni ! Rythmique ultra dansante, refrains immédiats… C’est une musique festive qui est délivrée. L’insouciance de la première écoute va s’estomper quand on va lire les textes des dix titres et découvrir les sujets abordés : le racisme, la corruption, le vol de terrains, des ressources, via le gouvernement local au profit de pays étrangers et de leurs multinationales. Puis, sur les deux derniers morceaux, il met en garde la jeunesse de son pays, l’invite à relever la tête, à briller dans divers domaines (« Young Boy / Young Girl »), à fuir les fanatiques religieux, à ne pas devenir des esclaves de la colonisation, à se méfier d’une addiction aux drogues (« Set Your Minds and Souls Free »). En résumé, un bon album d’afrobeat qui contient quelques morceaux irrésistibles, invite à la danse et éveille les consciences.

Mais je lui préfère nettement le second cd, celui de son fils Made intitulé « For(e)ward » et nettement plus ancré dans la modernité. Made Kuti a fait partie du groupe de son père : Positive Force. Il y jouait de la basse et du saxophone et fut influencé par les prises de position de celui-ci. On le constatera dans ses textes, même si lui aborde la condition féminine, l’éducation des filles (« Young Lady ») et les rues non pavées (et ce n’est pas du tout anodin) ! Mais des études musicales à Londres lui ont permis de côtoyer la scène alternative anglaise et cela se ressent sur ce premier cd sur lequel il joue de tous les instruments ! L’afrobeat n’est jamais loin, très proche même sur la plage d’ouverture « Free Your Mind » mais Made insère dans son chant et sa musique des touches diverses comme sur le chaloupant « Your Enemy » à la sauce UB 40, reggae ragga un rien pop. Il publie un discours de son père sur un accompagnement de cuivres bien efficace. Il vocalise, chante et déclame à la limite du rap sur le magnifique, audacieux et retenu « Different Streets » avec de magnifiques interventions du piano et de la trompette. Et scratch final. Puis, sur une batterie presque militaire, de fanfare, il nous embarque, avec une rythmique d’enfer vers des îles ensoleillées (« Higher You’ll Find »). C’est le plus jazzy « Hymn » qui s’ensuit avec une chorale d’enfants irrésistible ! Tout au long du disque, Made ose des fusions, des intrusions, brise l’afrobeat avec des éléments parfois surprenants et le fait avec efficacité. Avec lui, la relève est assurée et elle s’annonce étonnante. Durant l’interview que les Kuti nous ont accordée, j’ai pu lui dire à quel point j’appréciais son disque. Je suis content de l’avoir fait.

Retrouvez Femi et Made Kuti en interview dans JazzMania ce mercredi 24 novembre.

Claudy Jalet