Guillaume Vierset Harvest Group : Ombres et lumières

Guillaume Vierset Harvest Group : Ombres et lumières

Harvest © Trui Amerlinck

«La vie est courte… En rajouter aurait été obsolète.»

Après un premier album écrit comme un hommage à un songwriter après la découverte des trois LPs de Nick Drake (« Ce qui m’a séduit dans ces trois albums de Nick Drake, c’est à la fois le côté boisé et très brut. Il y a déjà du violoncelle sur ces disques, ce qui m’a plu. »), puis « Nascimento Road », périple routier sur la Côte Ouest des Etats-Unis, ce « Lightmares » apparait comme le reflet contrasté d’une période difficile mais où réapparaît la lumière : « Lumineux et sombre, un jeu sur le jour et la nuit, la lumière et le noir, c’est un jeu . C’est pour ça que le disque est court, la vie est courte. La densité du propos n’en demandait pas plus, en rajouter aurait été obsolète. »

Harvest © Trui Amerlinck

Avec une pochette magnifiquement évocatrice réalisée par Simon Defosse et Valérie Lenders, on plonge déjà dans le vif d’une musique contrastée : le jour et la nuit, les étoiles et les fonds marins, l’obscurité de la nuit et la lumière du phare, et puis un titre mot-valise évocateur de deux périodes, celle du cauchemar de ces deux années et celle de la lumière, du retour à la scène et au studio. Les titres des dix compositions de Guillaume Vierset en disent tout aussi long : le sommeil et la nuit, le lever et le coucher de soleil, le jour et la nuit.

Et puis il y a la musique, celle d’un quintet inchangé depuis la naissance du projet, renforçant la cohésion du groupe tout comme les couleurs sonores qui s’en dégagent. Pas besoin de longs discours – l’album dépasse à peine la demi-heure – mais une densité du propos qui n’a jamais été aussi prégnante que sur cet album : « J’ai dû faire des choix car on a enregistré le double de musique, mais j’ai voulu rester cohérent par rapport au projet. Il y a un avant et un après le covid. Dans ce troisième album, il n’y a pas de voyage possible si ce n’est voyager par rapport à soi-même. J’ai eu le temps de penser à la direction que je voulais prendre pour l’album, une nouvelle direction musicale où rien n’est superflu et où la musique respire. »

«Un disque sur le rêve et le cauchemar : il suffisait de se mettre dans une ambiance.»

La musique est profonde et dense, pas de place pour la redite, l’essentiel est dit de manière lumineuse et poétique. Depuis les débuts de « Harvest », on ressent combien la cohésion du groupe est forte, naturelle (« pratiquement que des premières prises », dira Guillaume), sans ego : « Dès que j’ai parlé de ma musique avant l’enregistrement, tout le monde s’est détendu, un disque sur le rêve et le cauchemar, il ne fallait pas s’attacher aux petits détails techniques mais se mettre dans une ambiance. »

Les crissements anxiogènes de la fin de « Sleep/Wake up » sont suivis sans interruption par la douceur de la guitare et de la contrebasse dans l’introduction de « Lightmares » où les effets sonores du soprano contrastent avec le son naturel de la guitare. Arrive « I Wish » rythmé par les balais d’Yves Peeters qui soulignent la mélodie du soprano de Mathieu Robert, puis « I Hope », chant mélancolique bercé par l’accompagnement du violoncelle de Marine Horbazcewski. « Open Your Eyes », court moment où dominent les stridences du soprano, introduit l’éveil en miroir du titre d’ouverture – « Sleep/Wake up »/ « Wake up/Sleep » – moment choisi par Guillaume, bon sang ne peut mentir, pour rappeler qu’il a aussi des envies de rock irrépressibles (développées sur « Edges », mais c’est une autre histoire dont on reparlera plus tard). On aurait voulu être aux côtés du guitariste pour ce lever de soleil « Sunrise » paisible et inspirant, et ce crépuscule « Sunset », envoûtant et torride sur le crescendo. « End of the Day/Night » clôture ce voyage dans les sons imaginés par Guillaume Vierset.

L’album, construit comme une vraie suite, vous emmène dans un rêve continu où les ambiances s’enchaînent avec un tel naturel qu’on n’a jamais l’impression d’avoir dix thèmes distincts, des instants méditatifs qui donnent la sensation d’une musique créée dans le moment. Sans doute l’album le plus personnel à ce jour du guitariste.

Harvest © Trui Amerlinck

En concert : au Confluent Jazz Festival (Namur) ce 17 mars, puis à l’OpenMusic Club (Comines) le 18 mars, au Jacques Pelzer Jazz Club (Liège) le 23 mars, au Jünglinghaus d’Eupen le 26 mars, au Rideau Rouge (Lasne) le 30 mars, à Flagey (Bruxelles) le 2 avril et au Centre culturel de Rossignol le 30 avril.

Guillaume Vierset Harvest Group
Lightmares
Igloo

Jean-Pierre Goffin