Guy Le Querrec en Bretagne
Guy Le Querrec en Bretagne
Préface de Michel Le Bris
Label / Distribution : Editions de Juillet
Il faut faire très attention aux titres des livres, surtout quand leur auteur est un photographe très sensible au moindre détail. Ainsi Guy Le Querrec en Bretagne ne doit pas être confondu et superposé trop vite à « La Bretagne de Guy Le Querrec », ce que même le préfacier [1] de l’ouvrage laisse parfois entendre dans son texte. Car l’ordre des mots a un sens : si l’on privilégie « Bretagne », le photographe vient en second et se met au service d’un pays. Et si l’on procède à l’inverse, c’est le photographe qui est au centre, et il se trouve qu’on réunit de lui des œuvres réalisées « en Bretagne », comme on pourrait le faire de son travail « en Chine », ou « en Afrique », ou « sur le Jazz ». Car l’objet de la photographie de GLQ quand il est « en Bretagne », son pays – sinon de naissance, du moins d’origine familiale – est le même dans tous les cas, et c’est (pour aller vite) la photographie elle-même, au moins la photographie telle que l’artiste en question la conçoit. Qu’il se soit, pendant un moment, attaché plus particulièrement à des musiciens de jazz et à des situations liées à cette musique ne doit pas faire oublier qu’il s’agit avant tout, dans son œuvre, de photographie. Et qu’au passage la Bretagne des années 70 à nos jours soit ainsi « documentée » est une chance pour ceux qui cherchent des traces du passé. C’est exactement ce que Roland Barthes appelait le « studium » de toute image photographique : les costumes, les coiffes, les manières de poser, l’habitat, le travail des champs, des pêcheurs, les catastrophes, etc. Mais ce qui nous retient dans une photo, si quelque chose nous touche encore aujourd’hui, c’est son « punctum », cet élément difficile à cerner qui fait sa valeur pour nous, ou pour tout sujet regardant.
Ce « quelque chose », si l’on essaye de le désigner, est le plus souvent d’ordre abstrait : des lignes, des rapports de forme, des liens internes à la photo et qui relient les personnages et les objets entre eux. D’où il s’ensuit que notre photographe aura excellé dans un ouvrage comme Portraits de Mots. Et d’où l’on peut déduire que parler de cette photographie (et de celles de quelques autres) en terme « d’humanisme » demanderait bien des explications. En effet, si l’on veut dire par là que le « studium » en est l’homme concret et ses entours, cela va de soi. Mais en aucun cas son « punctum » ne peut être désigné ainsi, puisque il renvoie à des notions abstraites, ou, dans l’acception de Barthes, à une radicale subjectivité.
« Photographie humaniste » c’est donc vite dit. C’est plutôt dans son rapport à ses « modèles » que GLQ aura montré une réelle constance, celle d’une amitié qui confine à l’amour. D’un côté prendre et de l’autre donner. Car on dit bien « prendre » une photo. Et nécessairement « donner » en retour, mais précisément autre chose. Ce que les musiciens ont bien compris [2], sauf quand ils réduisent l’acte photographique à son « utilité » dans la communication. L’exemple de Michel Portal suffit à lui seul, et de les avoir vus souvent l’un et l’autre ensemble, et même « travailler » ensemble, permet de révéler ce qui aura fait le lien, et rendu possible ces années de compagnonnage. GLQ sait admirablement faire rire MP, qui en retour lâche volontiers quelque chose de lui, dans un train ou une chambre d’hôtel. Ainsi se construit l’histoire.