Hans P. Kjorstad & Ernst Reijseger : Gap of Ginn
Je me souviens avoir entendu Ernst Reijseger en solo au Pelzer, en janvier 2013. Je me souviens avoir été captivé par son jeu, par la manière dont il maniait son instrument, dialoguait avec lui. Je me souviens qu’il en sortait des sons d’un incroyable relief tout en ne se départissant jamais d’une économie de gestes et de moyens. Je me souviens qu’il me fut impossible de lui assigner un style en particulier et encore moins de le ranger dans un genre défini. Je me souviens avoir échangé quelques mots avec lui après son set, le congratulant pour le moment hors du temps qu’il venait de nous faire passer. Je me souviens que j’étais alors accompagné d’une violoncelliste qui ne tarissait pas de louanges à son égard. Plus de onze années après, je l’écoute à nouveau avec autant de curiosité à la faveur de cette dernière parution de l’excellent label norvégien Motwind pour laquelle il s’est associé au violoniste Hans Pålsen Kjorstad. Un duo de cordes, mais pas n’importe lequel et pas n’importe lesquelles. Les deux recourent à l’usage d’instruments rares. Reijseger joue sur un violoncelle à cinq cordes qui lui a été prêté par le très honorable Nationaal Muziekinstrumenten Fonds hollandais. Kjorstad joue sur un violon confectionné par un luthier de renom et sur un violon Hardanger à cinq cordes, lequel est une variante typiquement norvégienne du violon, qui lui a été fourni par le non moins prestigieux Norsk hardingfelefond. Les neuf pièces présentées ici sont à la fois empreintes d’une grande humilité tandis qu’elles peinent à cacher leur dimension lyrique intrinsèque. Des airs qui appartiennent à un patrimoine non défini géographiquement. Des airs qui ne sont rattachables à aucune époque déterminée. Des airs qui maintiennent les notes en se jouant de leur durée. Des airs qui restent en suspension avec une incroyable aisance.