Harry Christelis : Nurture the Child / Challenge the Adult
Le guitariste londonien Harry Christelis sort son nouvel album en quartet sur le label britannique Clonmell Jazz Social. Il y est accompagné par le trompettiste Christos Stylianides, le contrebassiste Andrea Di Biase (Kenny Wheeler) et le batteur Dave Storey (James Allsopp) qui composent une formation où l’aération tout comme la gestion du temps sont capitales. On pense à des artistes comme Bill Frisell, Jakob Bro mais aussi, comme le souligne le dossier de presse, au groupe avant-pop Talk Talk dans sa dernière période expérimentale (celle des albums « Spirit of Eden » et « Laughing Stock »). « Horizon » et « Zero Hours », les deux premières plages, à peine ridées telle la surface des lacs nordiques, tendent vers un certain minimalisme. La comparaison est d’autant plus judicieuse qu’il y a quelque chose de liquide dans cette musique. Le voyage en immersion continue avec « In These Places We Live » et « Walking Blue ». Entrelacée ou en unisson avec la trompette, la guitare a une sonorité pleine et onctueuse, délivrant des notes éparses sur une rythmique impressionnante de justesse, qui n’arrête pas de générer des contrastes et de raviver les couleurs de la mélodie. Ainsi la musique apparait continuellement fraîche et donne une impression de créativité collective.
La seconde moitié du répertoire se poursuit dans la même veine contemplative et mélancolique avec « Missing » et « Lu » mais offre aussi un morceau abstrait qui mixe acoustique et électronique en un chaos organisé (« Prism ») ainsi qu’un titre emporté par un réjouissant ostinato de contrebasse et dont les sonorités ambient ne sont pas sans évoquer la musique angulaire et expérimentale d’un Jon Hassell (« Explorations of One’s Self Inside a Caravan »). Cette dernière pièce met particulièrement bien en évidence l’originalité de ce quartet liée en partie aux réactions instinctives des musiciens et à leur interaction permanente.
L’enregistrement est quasiment live. Aucun effet spécial ni édition postérieure ne vient modifier la création spontanée de cette formation. Et pourtant, voici un disque qui ne se révèle pas en une écoute. Il faut le faire tourner à de multiples reprises avant que la tranquillité intérieure ne s’installe. Et, pour paraphraser Lao-Tseu, la tranquillité est la plus grande des récompenses !