I Hold the Lion’s Paw : Potentially Interesting Jazz Music

I Hold the Lion’s Paw : Potentially Interesting Jazz Music

Earshift Music

Les fondations de cet album reposent sur une question existentielle : c’est quoi le jazz, et plus précisément où se situe-t-il ? Ce qui, on s’en souvient, se rapproche d’une réflexion que nos lointains collègues du New York Times avaient suggérée à propos de la musique de E.S.T. : « peut-être pas ce que le jazz a pu être, mais bien ce qu’il pourrait devenir ». Mais rien – ou si peu – à voir… Il existe musicalement entre E.S.T. et ce collectif australien (dont le patronyme pourrait provenir d’un recueil de citations écrites par le maître spirituel Shri Brahmananda, à vérifier) un gouffre abyssal. Chacun restant au demeurant intéressant, séparément et pour des raisons très différentes. « Potentially Interesting Jazz Music » (un titre en rapport) démarre avec un long spoken word que l’on doit à la poétesse d’origine zimbabwéenne Tariro Mavondo, un texte supporté par une rythmique infernale dont les boucles nous rappellent, sous réserves d’usage, « On the Run », un titre que l’on trouvait sur le fameux « Dark Side of the Moon » du Floyd. Ne vous emballez pas. Comme le disaient les Monty Pythons (et qu’ils pourraient répéter plusieurs fois ici) : « et maintenant tout autre chose ! » Car oui, on passera toujours à autre chose, sur une palette sonore qui s’étend entre Miles et Laurie Anderson, pour ne citer que deux nuances. Une trompette free pour le côté jazz ou une rythmique dub vont accentuer le côté imprévisible de cette musique. Et c’est bien là que se situe la force de ce groupe… Il est tout simplement insaisissable ! Eux-mêmes n’avaient peut-être pas anticipé cette issue lorsque l’on sait que l’album est né d’une session d’enregistrement de plus de sept heures dont on a récupéré (et retravaillé) les moments les plus intéressants. Parfois, le résultat se situe (volontairement) aux limites du supportable (« Thank You », « Big Bois »). Mais bien souvent, il est tout simplement accrocheur (« Mechanical Ghosts », « Progressive Opposition »), jamais ennuyeux. Tout cela est parfaitement résumé par leur leader, le trompettiste Reuben Lewis : « mon rôle consiste à laisser la porte ouverte au possible ». Mission parfaitement accomplie !

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Yves Tassin