Ingrid Laubrock : Monochromes
La dernière fois que nous avions évoqué le nom d’Ingrid Laubrock dans nos pages, c‘était à l’occasion de la parution de son disque « No es la playa » aux côtés du contrebassiste Brandon Lopez et du batteur Tom Rainey. Nous en avions retenu les subtilités des entrelacs tissés de manière interactive par les trois musiciens. De prime abord, cet album ne comporte qu’une seule pièce. En réalité, il s’agit d’un patchwork d’une quarantaine de minutes sur la trame duquel évoluent le chevronné Jon Irabagon au saxophone sopranino, la harpiste électrique Zeena Parkins et le fidèle comparse Tom Rainey. Au fur et à mesure que la pièce progresse apparaissent des intervenants qui vont, de manière sensible, la modifier, la dévoyer, l’altérer en lui assignant des tonalités prodigieuses, inouïes, qui ont toutes été préparées et enregistrées à part. C’est d’abord le trompettiste Nate Wooley qui s’y colle, avec un chœur de trompettes qui sonne comme un orgue d’église tant la densité sonore est épaisse. Apparaissent ensuite l’accordéoniste Adam Matlock et Rainey, lequel s’affaire sur un set de percussions spécialement construit pour l’occasion et qui sonne comme des gongs. Vers la fin de la composition, Laubrock reprend le relais pour y incorporer des enregistrements de la mythique sculpture sonore « Sonambient » d’Harry Bertoia. Dorénavant citoyenne américaine et pleinement ancrée à Brooklyn, Laubrock pose avec ce nouvel opus un jalon essentiel et emblématique de sa discographie polymorphe.