Itai Kriss : Daybreak

Itai Kriss : Daybreak

JOJO Records

Cette nouvelle livraison du petit label JOJO, qui nous avait apporté récemment les splendides albums du guitariste Yotam Silberstein que l’on retrouve ici en invité, concerne le flûtiste israélien Itai Kriss, basé à New York depuis 2002. Enregistré avec Adam Birnbaum au piano, Luke Sellick à la contrebasse et le regretté Anthony Pinciotti à la batterie, disparu brutalement en décembre dernier, « Daybreak » met en relief les diverses influences du leader, à commencer par le hard-bop qui est le style qui l’a conduit à jouer du jazz à l’aube de sa carrière. On retrouve ainsi dans le répertoire « No Smokin’ », un standard emblématique du genre composé par le pianiste Horace Silver qui l’a enregistré en 1957 sur « The Stylings of Silver ». C’est une belle reprise très enlevée où le thème autrefois joué à l’unisson par Art Farmer et Hank Mobley est ici interprété à la flûte et qui offre de belles improvisations successives du pianiste et du leader. Les titres « Drivin’ » et « Upfront », ce dernier zébré d’un solo explosif de batterie, s’inscrivent dans le même style qui rappelle les Messengers d’Art Blakey. Une autre influence majeure d’Itai Kriss est la musique latine et il faut souligner que la flûte traversière, instrument à la sonorité douce et naturelle, s’incruste à merveille sur des accords de musique brésilienne. On découvrira donc avec ravissement « O Jardim », une samba intimiste jouée en duo par le flûtiste sur un accompagnement enchanteur de son complice Yotam Silberstein, mais aussi les très beaux « Coisinha » et « Beleza » qui ont le même parentage. Enfin, d’autres morceaux originaux comme l’envoûtant « Daybreak » ou le blues « In the Light » témoignent du talent de compositeur d’Itai Kriss et en particulier de sa sensibilité mélodique et de son éclectisme. Ici et là, on pense aux grands flûtistes de jazz qui ont donné leurs lettres de noblesse à l’instrument comme Herbie Mann (période latine) et surtout Hubert Laws qui me semble être spirituellement le plus proche de la musique d’Itai Kriss. Finalement, « Daybreak » est un beau voyage parce qu’en vagabondant à travers les styles, il fait cohabiter beaucoup de choses sur la durée d’un unique album.

Pierre Dulieu