Ivan Paduart
Crush (Mons Records)
Enregistrée live au Cirque Royal de Bruxelles, voici donc la rencontre empathique entre Ivan Paduart, l’un de nos plus fins mélodistes et l’imposant Metropole Orchestra : un événement dans la carrière pourtant prolifique du pianiste bruxellois. Créé en 1945, le grand orchestre hollandais a accueilli une série prestigieuse d’invités, tant américains, comme Ella Fitzgerald, Dizzy Gillespie, Herbie Hancok ou John Scofield, qu’européens, tels Toots, la pianiste française Carine Bonnefoy ou le saxophoniste néerlandais Paul van Kemenade. Composé d’une cinquantaine de musiciens, le Metropole Orchestra réalise, par ailleurs, une symbiose parfaite entre un orchestre symphonique et un vrai bigband de jazz, idéalement drivé par Martijn Vink, l’ex-batteur du Brussels Jazz Orchestra. Ici, les cordes ne constituent pas, comme c’est parfois le cas, une simple tapisserie sur laquelle viennent se greffer les solistes, elles participent pleinement au swing de l’orchestre et, dans ce mariage entre cordes et bigband, les bois et les cuivres (flûtes, hautbois, cors) jouent un rôle important de passerelle (il suffit d’écouter la longue introduction du thème Igor pour s’en rendre compte). Par ailleurs, à la tête de l’orchestre, on retrouve un musicien américain de premier plan: le pianiste Jim Mc Neely, qui a côtoyé Stan Getz aussi bien que Phil Woods et s’est rompu à l’art du bigband, avec l’orchestre de Thad Jones-Mel Lewis ou celui de la WDR. Leader d’un passionnant tentet (album « Group Therapy »), il sait ce que peut représenter une subtile orchestration. Pour ce double album, Ivan Paduart a su opérer un choix intelligent entre ses nombreuses compositions et s’est entouré d’arrangeurs expérimentés. S’il a orchestré lui-même trois des douze thèmes, il a, pour le reste, fait appel à Bert Joris, Michel Herr et Jim Mc Neely, chacun sachant tirer profit de la large palette sonore de l’orchestre. Le choix des compositions s’est aussi imposé en fonction des solistes invités : le puissant saxophoniste ténor américain Bob Malach sur l’ensemble du double cédé et la chanteuse Fay Claassen sur les cinq premières plages, avec des paroles notamment signées David Linx. On opère ainsi un judicieux voyage au sein de l’univers mélodique du Bruxellois : de « White Nights » enregistré en 1995, déjà avec Bob Malach ou Precious Moments et Shivers Down My Back présents sur « Belgian Suites » (1998) à Melancholy Blue et The Bridge Between Us Two de l’album « In Exile Of Dreams » gravé, en 2007, avec la vocaliste néerlandaise, en passant par Waterfalls ou Life As It Is de « Douces Illusions » (avec Richard Galliano et l’Ensemble Musiques Nouvelles). S’il s’accorde de belles introductions (Igor, Another Lifetime) et de longs solos (White Nights), Ivan Paduart sait aussi laisser beaucoup de place à ses deux invités, en totale complicité avec l’orchestre et ses solistes (le tromboniste Bart van Lier sur Sherry On a Cake ou le guitariste Peter Tiehuis sur Crush et ce I Had a Ball aux accents funky). Mais c’est avant tout la puissance de l’ensemble et la richesse de la palette sonore qui impressionnent tout au long de cette rencontre totalement aboutie.
Philippe Schoonbrood
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