Jazz à Liège 2024, l’œil (et l’oreille) de Fabrice Lamproye

Jazz à Liège 2024, l’œil (et l’oreille) de Fabrice Lamproye

Fabrice Lamproye © Dominique Houcmant

Une programmation au-delà des barrières, reflet d’un jazz qui évolue et s’ouvre à d’autres oreilles. Notamment via la scène anglaise. L’occasion d’en parler avec Fabrice Lamproye.

Fabrice Lamproye : On travaille avec la scène anglaise depuis plusieurs années, et elle est bien représentée cette fois encore. Shabaka est déjà venu avec tous ses projets, ici il vient ici avec quelque chose de très différent, de contemplatif, de spirituel. Les amateurs du genre seront ravis.

«Le programme vise un nouveau public… Il faut bien dire que le public traditionnel se réduit.»

Quels sont les concerts à ne pas manquer dans la mouvance anglaise ?
F.L. : D’autres artistes moins connus en tant que solistes, mais qui font partie de collectifs comme Ezra, je pense à Ife Ogunjobi, un des concerts à voir dans cette édition ; Cykada où on retrouve des musiciens qui viennent d’autres formations et qui ont formé ce collectif au cours du covid. Il y a beaucoup d’influences, hip-hop, musique électronique, afro-beat… ça nous intéresse parce que ça peut toucher un public plus jeune, et il faut bien dire que le public du jazz traditionnel se réduit.

Le programme vise un public nouveau, c’est clair, avec des gens comme Cykada ou Kamaal Williams.
F.L. : Cykada, un peu progressif psyché. Tenderlonious et Kamaal Williams sont des musiciens, mais aussi des producteurs qui ont l’habitude de travailler dans d’autres courants musicaux, tu y trouves des influences crossover. Snarky Pupyy, qui est la tête d’affiche du festival, est un peu aussi un mélange de styles : de super musiciens qui touchent parfois à la soul et au rock, on sort du carcan classique du jazz.  Ogunjobi est un artiste qui joue aussi de l’afro-beat avec des artistes qu’on a déjà accueillis aux Ardentes, des chefs de file de la scène afro-beat ou urbaine. C’est intéressant de voir que certains se retrouvent sur des scènes de festivals de hip-hop et ont l’habitude de ce changement de public, de cette multiculturalité et cette mixité des styles.

Fabrice Lamproye © Dominique Houcmant

«Dans mon festival idéal, on mélange les artistes, on les confronte à des spectateurs différents qui découvrent d’autres musiques.»

Je me souviens avoir vu Snarky Puppy aux Ardentes, ainsi que Marc Ribot.
F.L. : Snarky Puppy a été programmé aux Ardentes il y a quelques années, tout comme Kamasi Washington d’ailleurs qui est venu par la suite au Forum pour Jazz à Liège. Dans mon festival idéal, on mélange les artistes, on ne les garde pas dans une case, on les confronte à des spectateurs différents qui vont découvrir d’autres musiques. Mon espoir dans cette programmation où on propose même un concert hip-hop au Reflektor le premier soir, c’est que le public intéressé par ce concert-là vienne écouter d’autres choses et se rende compte que le jazz n’est pas réservé à un public averti. Le leitmotiv est l’ouverture.

Un groupe français aussi aux influences très britanniques, Emile Londonien.
F.L. : C’est un trio français, le clin d’œil à Émile Parisien est évident, ils viennent avec des invités, le principe de ce groupe est de s’associer à d’autres musiciens.

Johan Dupont © Roger Vantilt

Beaucoup de concerts gratuits au Regina Club.
F.L. : On a en effet ajouté une salle, le Regina Club qui jouxte le QG , rue Saint-Paul, un magnifique endroit de 200 places où tous les concerts sont gratuits : Cykada, Emile Londonien, Robin Verheyen, The Brums… Il y aura aussi deux concerts gratuits aux Chiroux le samedi, deux artistes féminines, Maina et Adja, une voix incroyable qui va percer, super intéressant.

En parlant de diversité, il y a aussi un label récent, FLAK. Quel sera le rythme des sorties ?
F.L. : Il y a eu un petit coup d’accélérateur cette année puisque je prévoyais deux sorties par an, là on en aura quatre : deux jazz avec le trio de Robin Verheyen qui est un live, et celui de Johan Dupont qui vient d’enregistrer avec Stephan Pougin et Bo Waterschoot, il sera magnifique. Il est virtuose et a une sensibilité énorme, l’album est très touchant. Ils étaient hyper heureux du résultat, dès la sortie du studio. L’album doit encore être mixé et mastérisé.

«Pour mon label FLAK, je fonctionne au coup de cœur.»

Le label se veut multigenre ?
F.L. : Pas nécessairement, je fonctionne au coup de cœur : avec KOWARI par exemple, on est dans l’électro organique, un projet de Damien Chierici dont on produit aussi OOOTOKO avec 19 musiciens. Il y a aussi le jazz avec des musiciens comme Clément Delchambre, Antoine Dawans, des musiciens d’orchestre classique, mais aussi Dan San, Liam O’Maonlai chanteur de Hothouse Flowers dans les années 80… S’il devait un jour y avoir du hip-hop, je pense que ce serait aussi assez organique.

Festival Uhoda Jazz à Liège, du 2 au 5 mai : www.jazzaliege.be

www.flak.be

Propos recueillis par Jean-Pierre Goffin