Jean Buzelin : Sister Rosetta Tharpe, la femme qui inventa le rock’n’roll

Jean Buzelin : Sister Rosetta Tharpe, la femme qui inventa le rock’n’roll

Avec ce livre, Jean Buzelin comble une lacune criante, car si une biographie très fouillée de Sister Rosetta Tharpe écrite par Gayle F.Wald est parue en 2007 (1), il n’existait encore rien de tel en français, si l’on excepte des infos éparses dans les notes de pochette d’albums et des articles en magazines et publications diverses… Cette lacune fait dorénavant partie du passé grâce à Jean Buzelin, un spécialiste du black gospel (2), du blues et du jazz aussi. Sa tâche était ardue : condenser, en 144 pages, l’essentiel d‘une vie mouvementée, riche en événements, en fantaisie et en rebondissements divers. Celle d‘une soprano à la voix bien timbrée et d’une guitariste aussi talentueuse que flamboyante, unique en son genre à son époque de gloire (1945-1965), si l’on excepte Memphis Minnie dans le domaine du blues, elle aussi chanteuse charismatique et guitariste hors pair. Cette démarche est apparentée à celle que connaissent les auteurs de la collection « Que Sais-Je ? » aux P.U.F. : 128 pages, sans photos ni illustrations, pour s’en tenir aux faits majeurs et aller à l’essentiel sans aborder les détails et péripéties moins importants (3). En l’occurrence, et cerise sur le gâteau, la quinzaine de pages en sus aux Editions Ampelos permettent d’ajouter des photos et illustrations plus que bienvenues. Et sur le fond me direz-vous? Et bien tout est là, l’enfance de Rosetta Tharpe, née en 1915 dans un bled de l’Arkansas, et déjà adepte du chant avec sa mère Katie Nubin, une évangéliste itinérante de la Church of God in Christ sanctifiée qui la prend avec elle partout et la laisse chanter en soliste, très appréciée malgré son jeune âge. Puis c’est l’installation à Chicago, l’apprentissage de la guitare (en autodidacte comme le chant) et des débuts fracassants en big bands (au Cotton Club avec Cab Calloway, fin des années 30, en soliste chez Lucky Millinder au Savoy Ballroom, de 1941 à 1943, etc.) ce qui ne plaît pas du tout aux dirigeants des congrégations noires, mais Tharpe n’en a cure : elle est célèbre, tout le monde l’aime, alors tout va bien ! Après 1945, elle revient quand même à ses premières amours, le gospel, en duo avec Marie Knight pour Decca Records jusque 1956, sous la houlette du pianiste Sammy Price. Et c’est reparti pour la gloire ! Avec un mariage barnumesque en 1951 (Griffith Stadium, Washington, 22 mille personnes qui paient leur entrée), avec de multiple enregistrements, et des tournées un peu partout en Amérique, en Europe où elle fait un triomphe, etc… De retour aux USA, Rosetta poursuit sa carrière avec des concerts, des enregistrements (notamment pour Verve Records), des tournées (l’American Folk Blues Festival 1970, etc.). Epuisée, elle meurt en octobre 1973 à Philadelphie. Pour en savoir beaucoup plus, il faut lire ce volume dense, bien argumenté et bien documenté mais aussi écouter les enregistrements, entre-autres l’intégrale 1938-1961 parue chez Frémeaux et Associés en 7 coffrets (4), sous la direction éclairée de Jean Buzelin !

Jean Buzelin
Sister Rosetta Tharpe, la femme qui inventa le rock’n’roll
Editions Ampelos, Maison-Lafitte

144 pages
ISBN : 978-2-35618-196-1

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(1) Gayle  F. Wald : Shout Sister Shout – The Untold Story Of Rock-And-Roll Trailblazer Sister Rosetta Tharpe  (Beacon Press, Boston, USA) ISBN 978-0-8070-0984-052595, 252 pages, photos, notes, index.

(2) La bibliographie et les activités foisonnantes de Jean Buzelin dans tous les domaines des musiques africaines-américaines sont parlantes :
Auteur de :
• Negro Spirituals et Gospel Songs, Chants d’Espoir et de Liberté (Editions du  Layeur/ Notre Histoire), 1998 ;
• A  Gospel Story, B.D. Music (ill. Wozniak), 2015 ;
Collaborateur des revues Jazzman, Jazz Hot, Jazz Magazine, Soul Bag, etc… Chargé de rééditions de disques, il a réalisé de nombreux coffrets et dirigé plusieurs collections chez EPM, Frémeaux et Associés, rédigeant aussi les livrets d’accompagnement.

(3) Gérard Herzhaft, avec « Le  Blues » (n° 1956) – 1ère éd. 1981, 6è éd.  2015, 27 mille exemplaires et « La Country Music » (n° 2134), Francis Hofstein avec « Le Rhythm & Blues » (n°2619), Jacques B. Hess avec « Le Ragtime » (n°2610) et bien d’autres encore dans le domaine du jazz (les amateurs en savent quelque chose !).
Votre serviteur aussi, avec « Negro Spirituals et Gospel Songs » (n°2791) et avec « Musiques Cajun, Creole et  Zydeco » (n°3010).

(4) Complete Sister Rosetta Tharpe 1938-1961, 7 coffrets édités chez Frémeaux et Ass. FA 1301 à 1307.

Robert Sacre