Jean-Louis Tallon : Terry Riley, figure libre

Jean-Louis Tallon : Terry Riley, figure libre

Jean-Louis Tallon

Quand on se représente Terry Riley, on imagine souvent un homme serein que l’âge n’aurait pas altéré, mais aurait rendu plus sage encore, une sorte de patriarche en état d’éveil et de curiosité permanente. C’est là une image d’Epinal, on en convient. Pour autant, elle n’est pas dénuée de pertinence. Riley a fêté son nonantième anniversaire en juin dernier. Il a passé une grande partie de sa vie en pleine nature dans son ranch de Sri Mooonshine dans la campagne californienne, cultivant son potager avec son épouse, suivant les préceptes d’une vie saine. En convoquant la « figure libre » pour titrer le livre qu’il lui consacre, Jean-Louis Tallon ne pouvait pas mieux résumer le trait fondamental qui personnifie Terry Riley.

L’ouvrage suit un fil chronologique qui débute avec l’enfance de Riley en Californie, ses premiers apprentissages musicaux, comment il deviendra pianiste et s’installera à San Francisco et à Berkeley par après. La suite ressemble à une épopée nomade : l’Espagne, le Maroc, Paris, Darmstadt, New York, Vera Cruz… Parallèlement, Tallon investigue, de manière fouillée et documentée, la genèse des œuvres principales qui établiront Riley comme un compositeur internationalement reconnu. « In C » tout d’abord, sa pièce historique, la plus emblématique, celle qui lui vaudra d’accéder à un public plus large que celui convié à ses premières représentations publiques. L’occasion pour Tallon de ressusciter un article d’époque dithyrambique – on est en 1964 – qui titre : « Music like none other on Earth ». L’opportunité aussi pour Tallon de montrer comment Steve Reich et Philip Glass seront influencés par Riley et non l’inverse.

Le livre poursuit son cours avec d’autres pièces marquantes qui seront autant de jalons posés sur le parcours incroyablement créatif du compositeur californien : « A Rainbow in Curved Air », « Church of Anthrax » avec John Cale… Et puis, à la fin des années septante, sa rencontre fortuite avec le Kronos Quartet qui instituera une collaboration riche de nombreuses années. Ces dernières années, c’est avec son fils Gyan que Terry poursuivra l’aventure.

Après avoir consacré un ouvrage à Gavin Bryars et un autre à Meredith Monk (tous deux publiés également chez « Le mot et le reste »), Jean-Louis Tallon s’est attelé à défricher le travail, riche et réputé d’accès pas facile, de Riley. Il s’agit du seul ouvrage en langue française qui lui est dédié. Outre le portrait qu’il dresse de Riley, son mérite est de remplacer son rôle dans la perspective historique de la musique de la seconde moitié du vingtième siècle en revenant sur les liens tissés entre genres musicaux de l’Orient et de l’Occident. Davantage encore, il saisit et mesure l’impact de sa démarche atypique au sein de la musique classique contemporaine, lui donnant une impulsion inédite. Passionnant.


Terry Riley, figure libre
Le mot et le reste
22 €
ISBN 9782384316120
245 pages

Eric Therer