Jo Berger Myhre : Unheimlich Manœuvre

Jo Berger Myhre : Unheimlich Manœuvre

RareNoise Records

Ou les digressions sonores au travers d’une basse et d’une contrebasse. Jo Berger Myhre est un bassiste, compositeur et producteur norvégien, également membre du Nils Petter Molvaer Quartet et de Finland, un quatuor de rock alternatif improvisé. Après diverses collaborations et autant de participations sur les enregistrements ou les prestations live de divers artistes, cette « inquiétante manœuvre » est son premier album en « solo ». Disque sur lequel il utilise aussi une drum machine, un Moog, des drones et diverses sonorités issues de l’électronique. Six collaborateurs, avec des contributions à distance (pandémie oblige) le secondent dans ses compositions / improvisations au tombak (percussion iranienne), à la guitare acoustique, au piano, synthés et orgue. Il y a aussi la déclamation d’un texte de l’écrivain / poète américain Raymond Carver par Vivian Wang, la chanteuse du groupe art-rock singapourien The Observatory sur un titre. Et pure coïncidence ce titre (« Smallest Things, part 2 ») est de l’authentique 48 Cameras. Les initiés comprendront en plus le lien entre la narration et le nom d’un studio hutois !

La musique qui nous est proposée s’échelonne sous la forme d’un voyage captivant et inquiétant dans un milieu cinématographique fantasque, insolite, qui n’est pas sans évoquer l’univers d’un David Lynch. Il y a des tensions latentes, calmes, bien évocatrices d’un monde fait d’étrangetés. Elles nous font pressentir le drame. Dans des lieux entre obscurité et lumière, entre arbres biscornus et cabanes délabrées. Un voyage en Iran fut aussi un des éléments clefs de la réalisation de cet album. Là s’est développée, concrétisée, l’idée de créer des sons à partir de bruits et d’improvisations et de les inclure dans un espace que le musicien « visionnait » depuis un certain temps. Désormais, cet espace est occupé par neuf plages relativement dénudées, harmonieuses que le bassiste a superposées, assemblées, mixées et produites, « comme un exercice d’exploration de soi » déclare-t-il. Où se sont confrontés en douceur le son naturel de la contrebasse et les effets analogiques déclencheurs de bruits, de rythmiques électroniques issues de l’exploitation de la basse. Le tout souligné par les fluentes notes d’un piano ou d’un autre clavier. Embarquez pour ce passionnant voyage dans un univers sonore mystérieux qui passe de l’intrigant au séduisant. Admirable.

Claudy Jalet