Jonathan Kane and Dave Soldier : February Meets Soldier String Quartet
EEG Records / Jazz Promo Services
Forcément, ce titre est un peu déroutant : un mois d’hiver rencontre un quatuor à cordes… On vous explique, on est là pour ça… Et on resitue le contexte : New York 2021. Deux hommes collaborent de longue date, chacun avec ses sources d’inspiration propres, chacun avec ses instruments, chacun avec son background personnel. Le batteur / guitariste / bassiste Jonathan Kane est bien connu dans les bas-fonds de la ville. Une légende même, si on se penche un peu sur sa biographie. Kane a fréquenté la toute première formation connue sous le nom des Swans de Michael Gira, en tant que batteur. Il a également et notamment collaboré avec une autre grande personnalité, le compositeur minimaliste La Monte Young. Son projet le plus solide a pour nom le Jonathan Kane’s February, un groupe qu’il qualifie lui-même de « trance-blues ecstatic minimalism ». Voilà pour l’explication de la première partie du titre de ce CD. Nous en venons à Dave Soldier, lui-aussi un cas ! A la ville, l’homme a pour nom Docteur David Sulzer, un imminent psychiatre… On le retrouve aussi à la tête du « Soldier String Quartet » (d’où la suite du titre, on comprend mieux à présent…), un projet que la note biographique décrit comme un quartet à corde « révolutionnaire, innovant et expérimental ». Parmi les collaborations les plus connues de Soldier, on citera Bo Diddley, David Byrne et John Cale qu’il a accompagnés en tant que violoniste. Ce qui précède vous éclaire sans aucun doute sur le contenu musical de cette « rencontre ». Quatre très longues plages, quatre atmosphères différentes. « February… » débute par un rock chaotique, une superposition de guitares et de fracas. Les convoyeurs attendent encore un peu… L’atmosphère se détend, mais le mystère s’épaissit un peu : arrive « It Was a Very Good Year », une reprise (?) en huit minutes d’un titre immortalisé par Sinatra en 1965 puis relu à l’une ou l’autre occasion (Robbie Williams, Seal, …). Intéressant : l’original est broyé ici à sa plus fine ossature… Ensuite, on fond littéralement, parce qu’on en a le droit et que l’on sait lâcher prise, avec l’hypnotique « Requiem for Hulis Pulis », seize minutes de voyage en apnée. On pense ici – mais ce n’est qu’un ressenti – à la complicité du duo Nick Cave / Warren Ellis, lorsqu’il compose une musique de film bien sombre. L’album atteint alors son apogée. Demeure une douce remontée à la surface sous la forme d’une mélopée pour cordes que l’on doit à Soldier. Vous l’aurez compris, on tient entre les mains une petite pépite non conventionnelle. Et c’est bien parce qu’ils n’essayent pas de convaincre à tout prix (en usant des ficelles parfois faciles du genre) que Kane & Soldier nous intriguent. Cette association sans but racoleur est un concept qui trouve sa force aussi bien dans la complémentarité que dans l’opposition. Un seul mot d’ordre : osez !
Yves «JB» Tassin