Kaléïdoscopes : Voyages Immobiles
Après un premier disque éponyme paru en 2020, Kaléïdoscopes sort « Voyages Immobiles » avec le même line-up incluant Daniel Stokart au saxophone soprano, Nicolas Draps au violon, Laurence Genevois au violon alto, Thomas Engelen au violoncelle et Alexandre Furnelle à la contrebasse. Le style reste globalement le même avec des plages combinant parties écrites dans une perspective de musique chambriste, et moments d’improvisation dans la lignée du jazz européen actuel. Le répertoire comprend quatre reprises (plus une sarabande de Bach) dans des versions, on s’en doute, peu académiques au regard des enregistrements originaux : « Blue in Green » de Miles Davis / Bill Evans dont la lenteur est ici mise à profit pour installer une ambiance onirique tout en conservant lyrisme et profondeur ainsi que « Tutu », écrit par Marcus Miller pour Miles Davis, dans une interprétation ralentie, habillée par un enchaînement harmonique ample et hantée par de superbes chorus de violon et de violoncelle. Quant à « Our Spanish Love Song » de Charlie Haden, il apporte en finale une touche légère avec sa mélodie à la fois nostalgique et ensoleillée tandis que le guitariste Peter Hertmans a été convié à y déposer quelques phrases subtiles et délicates qui renvoient à la sensibilité d’un Pat Metheny dont l’inoubliable interprétation de ce morceau en duo avec Haden figure sur l’album « Beyond the Missouri Sky ».
Parmi les compositions originales, « Au Bord de l’Eau » met en exergue l’expression sensible des musiciens dépourvue de tout artifice. L’atmosphère est celle d’un déjeuner sur l’herbe impressionniste, le morceau faisant naître des images de dames en robe à pois et de messieurs en marinière que cette musique aurait sûrement enchantés pendant leur piquenique à l’ombre des arbres. « Kaléïdoscopes », qui a prêté son nom à la formation (ou l’inverse), est en principe le reflet identitaire de l’album même si l’intonation y est subitement plus sombre qu’ailleurs. Les lignes entrecroisées des instruments à cordes y nourrissent une musique qui renvoie un écho de la gravité de certaines compositions contemporaines. Enfin, on épinglera encore le splendide « Far Out » écrit par le leader, sa mélodie pleine de langueur et son improvisation lumineuse à la guitare par Peter Hertmans. « Voyages Immobiles » est un disque distillant une poésie immanente : il suffit de l’écouter une seule fois pour en vivre l’épiphanie.