Kappeler & Zumthor : Herd
La pochette – une photo en noir et blanc délavée et rayée par le temps – nous montre un cordon d’hommes et de femmes déambulant en file indienne au pied d’une montagne rocheuse. Sans autre indication, impossible de dire où se rend cet insolite cortège, même si l’on subodore sa dimension religieuse et la destination rituelle qu’il s’est assignée. Le titre nous interpelle : « Herd », le troupeau en anglais, mais en allemand le mot signifie à la fois le poêle et la Terre… Une portée symbolique à laquelle les titres des morceaux font écho. L’écoute prolonge cet état d’interrogation et achève de le sublimer. Les onze pièces se suivent et se répondent, à la manière d’une suite aux climats changeants et mouvants. Aux assauts tempérés du piano de Vera Kappeler répondent les apprêts rythmiques dûment calibrés de Peter Conradin Zumthor. Parfois, le jeu est inversé. Parfois, il est à parts égales. Parfois, il est jeu pur comme sur « Three Toypianos » mettant en scène… trois pianos jouets déclavés. Ce duo 100% suisse avait déjà présenté un album sur ECM en 2014 : « Babylon-Suite » pour ensuite sortir des radars. « Herd » poursuit et revient sur ce travail, il le peaufine, en accentue les variations comme sur « Bontempi n°2 », prolongation des versions présentes sur le premier opus. Peut-être est-ce sur le magnifique « Anna » qui clôt le disque que le duo se révèle dans sa plus simple splendeur : une rythmique ouatée qui sert et dessert merveilleusement les phrasés épars d’un piano que n’aurait pas renié Morton Feldman. « Herd » s’annonce d’ores et déjà comme un de mes disques phares de l’automne. Montagneux, vertigineux sans y paraître.