Kurt Elling : SuperBlue
L’excellent chanteur de jazz américain a déjà sorti une quinzaine d’albums, notamment sur le label Blue Note. Il a été nominé de nombreuses fois et a obtenu quelques belles récompenses dans ce milieu du jazz. Mais ici, on assiste à un fameux revirement musical. Est-il dû à la pandémie ? Il ne l’explique pas mais effectivement, la manière dont le disque a été élaboré et réalisé démontre le lien. Le renommé guitariste (il joue sur une huit cordes donc il peut aussi jouer une partition de basse) et producteur Charlie Hunter s’est chargé d’une partie des compositions. Avec Kurt ils ont aussi choisi quelques reprises sur lesquelles travailler. Situés à une très longue distance (Kurt ne les a jamais vus !), le batteur et le claviériste du groupe de funk hip-hop Butcher Brown ont enregistré leurs parties séparément. Les finitions, c’est-à-dire l’ajout de la voix et de la guitare sur les bandes fournies par ces deux musiciens, ont été effectuées en duo par Kurt et Charlie dans une grange transformée en studio. Le résultat de ces collaborations nous vaut un superbe album teinté essentiellement de soul funky. Avec des incursions dans la white soul, le hip hop et avec des touches d’électronique, des pointes jazzy voire bluesy. Avec régulièrement des chansons toute en retenue sur lesquelles les musiciens font des merveilles. Au niveau des reprises il y a du Wayne Shorter, du Cody Chesstnut, du Carla Bley, … Kurt se chargeant d’écrire des paroles pour ces titres, à l’exception d’un poème de Judith Minty et d’un texte de Tom Waits. Il pose sur ces chansons sa voix sensuelle, sexy, pendant que les trois musiciens délivrent les mélodies avec leurs efficaces rythmiques. Il y a des interventions millimétrées à la guitare qui sont de véritables bonheurs. Le résultat final est susceptible de lui ouvrir la voie vers d’autres publics, vers des accros de Stevie Wonder, de Steely Dan, d’Average White Band. En pensant que la dernière génération biberonnée à ce mix hip hop, soul, rythm’n blues, pourrait aussi accrocher. Alors qu’il aurait pu continuer en toute tranquillité dans sa voie jazzy, on ne peut que saluer ce changement de cap gagnant et ces dix titres infaillibles.