
Le dossier Intervalles du mois ‐ Juin : Jean-Louis Murat
En partenariat avec la radio Equinoxe FM (105.0 à Liège et streaming), JazzMania vous proposera tous les mois un dossier musical spécifique. Chaque mois, un thème, toujours sous le signe de la (re)découverte, en mots et en sons.
« Jean-Louis Murat a rendu la chanson française fréquentable… » C’est ce que l’on peut souvent entendre et lire à son sujet. Au départ, une longue galère. Puis la révélation sous la forme d’un album inattendu, « Cheyenne Autumn ». Portrait en soixante minutes d’un « Ange déchu » qui avait l’art d’atterrir où on ne l’attendait pas.
1. Jean-Louis Murat : L’Ange déchu (« Cheyenne Autumn ») ‐ Virgin
Ce dossier du mois, on l’entame avec un bout du tunnel… Puisqu’après sept années de galère, Jean-Louis Bergheaud ‐ c’est son vrai nom ‐ devient enfin un peu à la mode en publiant un album innovant, « Cheyenne Autumn » paru en 1989, album sur lequel figure cette chanson qui lui va comme un gant (lui qui se trouvait au fond du trou), « l’Ange déchu ». Pourquoi Murat ? C’est une référence à un ancien roi de Naples, Joachim Murat…
2. Jean-Louis Murat : Johnny Frechman (« Passions privées ») ‐ Pathé
1984, Murat publie son premier album « Passions privées » paru chez Pathé, un album qui passe totalement inaperçu auprès du public, au point que son label, Pathé, préfère arrêter les frais à ce stade-là. Sur cet album, il y a néanmoins une chanson emblématique : « Johnny Frenchman ». Car oui, c’est un gros souci pour lui, il ne veut en aucun cas être associé aux chanteurs français qui ont du succès, Johnny Hallyday en tête, bien évidemment. C’est au prix de l’insuccès qu’il paiera la frustration d’être français. Il dit à ce sujet : « La France reste le pays de la revanche des médiocres. »
3. Gérard Manset : Que deviens-tu ? (« Lumières ») ‐ EMI
A cette époque toujours, il y a néanmoins un chanteur français dont il s’inspire clairement et qui, pour sa part, obtient un petit succès d’estime : Gérard Manset.
4. Jean-Louis Murat : Le Col de la Croix-Morand (« Le manteau de pluie ») ‐ Virgin
« Cheyenne Autumn » est certifié disque d’or. Selon les Inrockuptibles, il s’agit d’un album charnière qui a modifié les codes de la chanson française. Dorénavant, il n’y aura plus de honte à écouter de la chanson française. Outre Manset déjà cité, on peut apprécier Bashung ou Dominique A (dans un registre plus rock) puis plus tard des gens comme Benjamin Biolay, Silvain Vanot ou encore Camille que Murat lui-même nous a fait découvrir, on y reviendra. En attendant Murat poursuit sur cette voie avec le deuxième album de sa nouvelle vie, « Le manteau de pluie » qui sort alors qu’il vient de commettre un duo à succès avec Mylène Farmer… Conséquences : « Le manteau de pluie » sera son album le plus vendu de sa carrière avec 150.000 copies écoulées.
5. Jean-Louis Murat : Le train bleu (« Dolrès ») ‐ Virgin
La vie de Murat n’a jamais été un long fleuve tranquille. Surtout d’un point de vue sentimental. Il quitte sa compagne Marie Audigier (qui reste néanmoins sa manageuse), ce qui a un impact sur son humeur (changeante, on le sait) et (surtout) sur ses textes. Entre « Vénus » (1993) et « Dolrès » (1996), il y a trois longues années de doutes. Il prend exceptionnellement un temps interminable pour enregistrer « Dolorès » qui sort à un moment où le trip-hop est à la mode grâce à des musiciens comme Portishead, Tricky et Massive Attack…
6. Neil Young & the Crazy Horse : Running Dry ‐ Requiem for the Rockets (« Everybody Knows this Is Nowhere ») ‐ Reprise
Nous poursuivons ce « sons & mots » du mois consacré à Jean-Louis Murat… Ce qui ne nous empêchera pas d’écouter d’autres musiciens. Neil Young par exemple, auquel Murat se réfère très souvent. Au point d’envisager d’enregistrer un album avec son groupe, le légendaire Crazy Horse. C’était déjà le cas pour « Vénus », ce sera plus concret encore, on va y venir, six ans plus tard avec « Mustango ». Neil Young met sur pied le Crazy Horse à partir de son deuxième album solo, « Everybody Knows This Is Nowhere » paru en 1969.
7. Jean-Louis Murat : Jim ‐ l’héritier des Flynn (« Mustango ») ‐ Labels
Gros bouleversement chez Murat à partir de 1999 et de son premier album transatlantique, « Mustango ». Tout d’abord, il se retrouve en deuxième division en quelque sorte puisque Virgin le renvoie vers sa succursale indépendante, Labels. On le disait plus tôt, Murat trouve un accord avec le Crazy Horse de Neil Young pour enregistrer ce disque aux States. Il renonce finalement au dernier moment et se justifie ainsi : « Se faire produire par les musiciens de Neil Young alors que tu es toi-même considéré comme le Neil Young de pacotille… C’est juste un plan casse-gueule ! ». Bref, là-bas, Murat « se contentera » d’enregistrer avec le guitariste Marc Ribot, la section rythmique de Calexico ou encore la merveilleuse chanteuse du duo Elysian Fields, Jennifer Charles. Avec cet album, Murat s’attire un nouveau public friand de ce que l’on appelle à l’époque la nouvelle americana.
8. Jean-Louis Murat : La maladie d’amour (« Lilith ») ‐ Labels
Murat n’en démord pas… Son métier, c’est faire des chansons. Et donc, il écrit, il compose et il attend en contrepartie que son label les publie. Bien entendu, c’est un suicide commercial. Dans les années 2000, il enchaîne les sorties d’albums à un rythme effréné… Exemple : « Lilith » en 2003, un album de vingt-trois chansons enregistrées lors d’une session qui a duré à peine quatre jours.
9. Camille : Lumière (« Le fil ») ‐ Because Music
La formule musicale se rétrécit. A la façon d’un Neil Young avec son Crazy Horse, Murat publie des albums conçus en trio et fait appel à l’un ou l’autre invité. Il sera ainsi l’un des tout premiers à croire au succès d’une jeune chanteuse que l’on retrouve dans les chœurs à partir de l’album « Lilith ». Je veux bien évidemment parler de Camille que l’on écoute ici dans un extrait de l’album « Le fil » : « Lumière ».
10. Jean-Louis Murat : Gengis (« Taormina ») ‐ V2
Chez Murat, la frustration l’emporte sur le succès. Il y aura toujours un noyau fidèle de fans, mais les ventes de disques ne suivent plus. Les salles sont à moitié vides, situées dans des villes pas toujours sexy. On se souviendra par exemple d’une tournée en Wallonie en 2013 où il a joué à Charleroi, à Seraing et enfin à Arlon. Il avoue d’ailleurs que ses albums se vendent dorénavant à 5.000 copies environ. On est très loin des disques d’or… Mais des disques, il continuera tant bien que mal à en produire jusqu’au bout. Il y aura encore « Il Francese » (le nouveau surnom qu’il se donne) en 2018, « Toboggan », « Morituri », « Babel », et même « Taormina », un album qui rend hommage à Mark Hollis de Talk Talk et dont on extrait le très juste et beau « Gengis ».
11. Jean-Louis Murat : Foule romaine (« Best of ») ‐ PIAS
L’idée d’un Best of horripilait Murat qui estimait qu’il s’agissait d’un disque inenvisageable de son vivant, car il symboliserait, affirmait-t-il, la fin de son parcours… Ce Best of qui, forcément pour un tel chanteur, est incomplet, sortira bien figurez-vous… officiellement trois jours après son décès. Il avait fini par accepter… Vingt morceaux avec des oublis, mais vingt morceaux magnifiques dont ce « Foule romaine » qui date de l’époque du « Moujik et sa femme », paru au début de ce siècle.
12. Jean-Louis Murat : Rendre l’âme (« Il Francese ») ‐ PIAS
Nous avons ainsi fait le tour de la carrière de Jean-Louis Murat qui s’achève le 25 mai 2023 (deux ans déjà) lorsqu’il est emporté par une embolie pulmonaire à l’âge de septante-et-un ans… C’est avec un titre symbolique que nous clôturons ce « sons & mots » qui lui était consacré. Cette chanson est tirée de l’album « Il Francese », 2018.
Intervalles sur Equinoxe FM
Chaque mardi à 22 heures (rediffusion le jeudi, 22 heures)