Le dossier Intervalles du mois – Novembre : Kraftwerk #2
En partenariat avec la radio Equinoxe FM (105.0 à Liège et streaming), JazzMania vous proposera tous les mois un dossier musical spécifique. Chaque mois, un thème, toujours sous le signe de la (re)découverte, en mots et en sons.
Retour sur l’histoire d’un groupe allemand légendaire, à la pointe de la technologie musicale… Minutieux au point de retravailler inlassablement les mêmes mélodies (imparables) qui ont façonné leur succès dans les années 70… Et de tourner ainsi décennie après décennie. Kraftwerk : le mythe… de Sisyphe ! Voici la suite (et la fin) de notre saga consacrée aux hommes-machines.
1. Kraftwerk : Tour de France (maxi) ‐ EMI
Voici la deuxième et dernière partie de notre feuilleton consacré à un groupe phare de l’histoire de la musique contemporaine : Kraftwerk. Le mois dernier – et pour rappel, cette émission se trouve en podcast avec texte sur JazzMania – le mois dernier donc nous avions abordé la période la plus intéressante de Kraftwerk, soit les années 70, et même le début des eighties avec « Computer World ». Nous quittions ainsi un groupe influent, arrivé au sommet de son art. Nous le verrons, les années qui suivront seront nettement moins prolifiques. Elles démarrent avec un single, « Tour de France » paru seul en 1983 sans faire partie d’un album. Le groupe est lassé des tournées et à ce sujet, ils déclarent : « Il fallait que l’on sorte des night-clubs, nous ne voyions plus la lumière du jour. Alors, le vélo s’est imposé. »
2. Kraftwerk : Sex Object (« Electric Café ») ‐ EMI
L’album suivant, « Electric Café », doit voir le jour en 1983, la même année que le single « Tour de France ». A la base, son nom est « Techno Pop », en référence à un genre musical que Kraftwerk estime avoir inventé. La pochette est prête (on peut voir les 4 musiciens enfourchant un vélo) et l’album est annoncé dans la presse, EMI lui ayant même attribué une référence ! Malheureusement, Ralf Hütter se trouve quelques jours dans le coma à la suite d’une grave chute de vélo – chute dont la guérison prendra beaucoup de temps. On sait à l’époque que deux titres sont prêts et mixés, c’est le cas de « Sex Object » que nous venons d’entendre.
3. Depeche Mode : Black Celebration (« Black Celebration ») ‐ Mute
C’est la dure loi de la vexation… Pendant que Ralf Hütter se refait une santé, tous ceux qu’ils ont influencés prennent la place laissée vacante par Kraftwerk. D’Orchestral Manœuvres in the Dark en passant par Depeche Mode qui sort en 1986 l’album « Black Celebration ».
4. Taxi Girl : Paris (single) ‐ Virgin
Nous l’avions évoqué lors de notre première émission consacrée à Kraftwerk : le groupe, au plus fort de son succès, dans les années 70, était particulièrement apprécié en France où l’animateur d’Europe 1 Jean-Loup Lafont avait choisi « Radio-activity » comme générique de son émission. Le mouvement s’est enclenché, là aussi, notamment auprès du groupe parisien Taxi Girl de Daniel Darc qui, en 1984, nous propose ce portrait peu flatteur de sa ville.
5. Kraftwerk : Radio-activity (« The Mix ») ‐ EMI
« Electric Café » voit le jour finalement en novembre 1986. Entre-temps, à titre d’anecdote, Michael Jackson lui-même a proposé une collaboration que le groupe a poliment déclinée. Le temps passant, Kraftwerk est devenu un groupe de synthé-pop presque ordinaire. « Electric Café » reçoit une critique plutôt froide, le groupe repart en hibernation pour un bon moment. Plutôt que de proposer un « greatest hits » de leurs tubes des années 70, les quatre musiciens remixeront les anciens morceaux et donneront à cet album sorti en 1991 – soit cinq ans après « Electric Café » – le titre « The Mix ».
6. Elektric Music : Kissing the Machine (« Esperanto ») ‐ EastWest
« Radio-activity », la version remixée de 1991. Vous l’aurez remarqué, pour qu’il n’y ait plus d’ambiguïté (on reprochait en effet au groupe d’avoir composé une chanson pro nucléaire), à la version originale, Kraftwerk a rajouté ici un « stop » devant le mot « Radio-activity » et puis aussi le nom des sites qui ont connu un incident nucléaire… Tchernobyl, Hiroshima, etc. A force de demeurer dans l’apathie, à passer des journées sur leurs vélos ou à boire du café en discutant de tout et de n’importe quoi, Ralf Hütter et Florian Schneider finissent par lasser les deux autres membres du groupe. Karl Bartos et Wolfgang Flür leur reprochent de refuser tout nouveau projet concret et de retravailler inlassablement les anciens titres. Karl Bartos quitte le groupe en 1990. Il crée le duo Elektric Music avec Lothar Manteuffel et sort en 1992 l’album « Esperanto » qui reçoit une aide précieuse d’Andy McCluskey, tiens tiens, le chanteur d’Orchestral Manœuvres in the Dark.
7. Wolfgang Flür : I Was a Robot (« Eloquence ») ‐ Strike Force
Quant à Wolfgang Flür, le quatrième membre de Kraftwerk, il quitte le groupe petit à petit, se rendant de moins en moins régulièrement au studio, le légendaire Kling Klang, à partir de 1987. Il ne participera en tout cas pas à la mini-tournée que le groupe effectue en Italie début 90. On lui connaît une biographie consacrée à sa vie au sein du groupe, « I Was a Robot » qui a aussi fait l’objet d’une chanson qui se trouve bien dans la lignée de Kraftwerk !
8. Kraftwerk : Expo 2000 (Maxi) ‐ EMI
On ne peut pas donner tort à Bartos ni à Flür, qui ont la nette impression de ne jamais être entendus par le duo de leaders Ralf et Florian, lesquels remixent inlassablement les mêmes morceaux. Depuis « Electric Café », en novembre 1986, plus rien de neuf, hormis le single (et bien sûr un tas de remix) « Expo 2000 » qui paraît, tenez-vous bien en 1999, soit à la veille de l’exposition universelle de Hanovre qui doit se tenir en 2000. Vous aurez compté comme moi : un single et quelques remixes en treize ans de temps. C’est peu ! Pour la petite histoire encore, la commande de la vidéo et de la musique qui l’accompagne aura rapporté à Kraftwerk, à l’époque, un peu plus de 200.000 €…
9. Balanescu Quartet : The Model (« Possessed ») ‐ Mute
On peut le dire, « Tour de France Soundtracks » qui finit par sortir en 2003 (il y a donc un peu plus de vingt ans) sera probablement le tout dernier album studio de Kraftwerk. Depuis, Florian Schneider, l’un des deux membres fondateurs du groupe, est décédé (emporté par un cancer en avril 2020). En fait, il avait officiellement quitté Kraftwerk en 2009. Le dernier membre de la belle époque, Ralf Hütter, affirme pour sa part « travailler » sur le « numéro 9 » (soit le neuvième album studio) que l’on doute voir arriver un jour. « Tour de France Sountracks » qui comprend le single que nous avons pu entendre en entrée d’émission et paru 20 ans plus tôt est massacré par la critique… Il fallait s’y attendre. Je cite Alexis Bernier, dans Libération : « Cet album sonne comme un mauvais disque de Jeff Mills d’il y a huit ans ». Dorénavant, les hommages de ceux qui se sont inspirés de la musique de Kraftwerk sont plus intéressants que ce que le groupe a encore à nous proposer… Exemple : 1992, le quatuor à cordes emmené par Alexander Balanescu : The Model.
10. Kraftwerk : The Man Machine (« Minimum Maximum ») ‐ EMI
Notez que Kraftwerk existe toujours, même si le groupe n’a plus rien à prouver. De temps en temps on peut les retrouver en concert – un spectacle qui réunit vidéo, musique et technologie. A ce sujet, il a fallu attendre 2005 avant que Kraftwerk ne publie son premier album live officiel : « Minimum Maximum ». On clôture cette saga avec un morceau emblématique, qui résume la philosophie de Kraftwerk : « The Man Machine »…
Intervalles sur Equinoxe FM
Chaque mardi à 22 heures (rediffusion le jeudi, 22 heures)