Les Amants de Juliette, S’électrolysent
Les Amants de Juliette S’électrolysent
Juliette a bien de la chance. Trois amants pareils… Qui, en plus, s’électrolysent. Ça doit être encore mieux que la seule électricité. Le jazz comme passage de l’électrique au chimique, quelque chose en plus. À la naissance du trio, en 94, ils n’avaient pas tâté de la fée Électricité. Cette fois, tout le monde est branché, non pas à la mode geek bien sûr. L’électron reste aussi libre que la note, et la machine demeure asservie à l’instrument, et celui-ci à son artiste. C’est heureux.
Comme si souvent dans le jazz d’aujourd’hui, la prise de risques oscille entre « tradition et modernité ». Un cliché qui recouvre parfois une consistante réalité. Les Amants de Juliette piochent leur inspiration à la fois dans les musiques traditionnelles et dans l’aventure moderne. Il y a de l’Afrique dans les polyrythmies. Il y a de l’Indonésie dans les pointes de timbales, de l’Inde dans les jeux de tablas et dans le piano préparé comme un tampura. Mais l’électronique embarquée transcende le tout, avec une vraie discrétion. Les percussions de Philippe Foch n’ont plus d’âge. Surtout quand elles s’unissent aux harmoniques de Benoît Delbecq (piano, synthés). Le premier a séjourné plusieurs fois à Calcutta. Le deuxième, matheux comme un acousticien, s’est frotté à Cage et à Ligeti, autant qu’aux Coleman, Ornette et Steve.
Le défi était autre, à cet égard, pour Serge Adam dont la trompette se trouve guettée au coin du bois de Miles. Comment ne pas risquer l’ornière de « In a Silent Way » – entre autres ? Pari gagné, ô combien ! Les Amants sont à la fête, virevoltent joyeusement, nous font voyager dans le jazz et dans le monde comme dans un grand tout musiqué et coloré. Une vraie réussite.
Gérard Ponthieu