LG Jazz Collective, Strange Deal
LG Jazz Collective, Strange Deal
« Lg Jazz Collective » ou ce que le jazz belge a de plus collectif. Dans l’interview à venir ici, réalisée par Claude Loxhay, Guillaume Vierset reviendra sans doute sur l’historique d’un groupe qui dès ses débuts a été couvert de belles critiques et de récompenses. Ce qui n’aurait pu être qu’un « one shot » est devenu pour notre plus grand plaisir un des groupes-phares de Belgique, et non plus seulement du Sud du pays : c’est un vrai plaisir de voir nos jeunes musiciens se mêler pour le bien de la musique, et ce sans considération de subsides régionaux… Reste à ce que les portes des clubs et centres culturels s’ouvrent des deux côtés pour permettre à cette génération surdouée de développer son talent d’Ostende à Arlon. Voici donc « Strange Deal » avec, au premier coup d’œil, sa superbe couverture, et au second, ce folder intérieur qui rappelle par sa conception ceux des albums « Urbex » d’Antoine Pierre et « Behind The Darkness » de Jean-Paul Estiévenart. Ils sont du même talentueux graphiste nommé Simon Delfosse, un concept qui, pourquoi pas, pourrait devenir l’estampille du label IGLOO ? « New Feel » était déjà consacré en partie aux compositions de Guillaume Vierset, voici maintenant « Strange Deal ».Un album que Guillaume Vierset ne voit pas comme un album de leader et de guitariste; on ne peut toutefois s’empêcher d’être séduit par ses grandes qualités de compositeur, d’arrangeur… et de guitariste. Il suffit d’écouter cette superbe intro sur Opening où sa Gibson sonne à merveille : nul besoin d’effluves de notes pour sentir combien ce guitariste fait dorénavant partie du club restreint des grands guitaristes belges. Marqué autant par ses pairs jazzmen que par l’univers rock de Nick Drake ou Neil Young, le guitariste en tire un jeu au souffle émotionnel intense. Et que dire du duo avec le pianiste Alex Koo, deux artistes au lyrisme à fleur de peau : Sad Walk n’a rien à voir avec la célèbre composition de Bob Zieff magnifiée par Chet Baker, mais la composition de Guillaume Vierset contient un potentiel d’émotion qui vaut sa dose de chair de poule. Les neuf compositions de l’album respirent la fraîcheur et l’énergie de la jeunesse, mais évitent l’emballement, le tape-à-l’œil, signe d’une maturité qui s’est construite petit à petit depuis la création du projet. Si on est bien dans l’essence du jazz, la façon de construire les morceaux révèle une originalité que le guitariste a intentionnellement recherchée : les solos de Steven Delannoye – Strange Deal -, de Jean-Paul Estiévenart – JP’s Mood – ou de Rob Banken – Goldo , clin d’œil au photographe liéfgeois – sont littéralement emballés dans des arrangements peaufinés qui soutiennent le soliste sans l’ étouffer, donnant un relief orchestral particulièrement soigné. Ajoutons-y une rythmique soudée, empathique et par instants flamboyante – Félix Zurstrassen et Antoine Pierre – et on tient là après seulement quinze jours en 2018, ce qui pourrait bien être l’album de l’année.
Jean-Pierre Goffin